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  • Photo du rédacteurSabine

Sigolène Vinson - Maritima


« A droite, l’étang de Berre et sa frontière marquée par le pont levant du canal Gallifet. Au-delà du viaduc autoroutier, les usines et la mer. Au-delà de l’étang de Berre, la montagne Sainte-Victoire et la garrigue. Comme chaque jour de l’été, la lumière était pure, peut-être trop franche. Que laissait-elle deviner ? »

Maritima


Un étang qui n’en est pas vraiment un et dans lequel les gosses jouent à plonger pour en goûter ses eaux, s’accrochent aux bouées comme on s’accroche à la vie, les pêcheurs à pêcher des muges, ses drôles de poissons mulets et dont on prend les œufs pour en faire la poutargue, ce plat du pourtour méditerranéen. Berre et sa Camargue loin d’une Camargue de carte postale, un paysage où seules les usines et les fumées ont le droit de parader, panacher. Comme une vague sacrée, fumante, torche dans la nuit rougeoyante. Une vague bourrée non pas de cette odeur iodée océane, mais de nitrates et autres toxicités non prouvées. Maritima. Et son étang de Berre aux couleurs de la Sainte Victoire, aux couleurs d’un matin où l’aurore lève son voile ensoleillée, pénétrant, chaud, ocré. Un soleil qui se lève sur une mer intérieure.

Maritima comme une longue et profonde errance, un mirage-rivage, un étang perdu entre un delta lumineux et une zone urbaine industrialisée, un territoire où la vie s’écoule comme un horizon lointain, large, plein. Un horizon qui définit un passé, présent et un avenir possible. Un destin contre lequel sa population lutte, résiste, entoure, nous fait se sentir nous, se sentir bien, un besoin enfoui, une longue rêverie odorante, vestige d’un monde où le premier et le dernier homme viendrait enfin s’apaiser. Une exploration contrastante, aimante, déambulante, humaine.


« L’étang était une mer qui formait sur ceux qui la peuplaient ; pour les préserver du danger représenté par le dehors, un monde sans algèbre et sans communisme. »


Il est difficile de parler de ce livre, de tenter de chroniquer le récit de Maritima de Sigolène Vinson. Il est difficile parce qu’il se vit dans la chaleur des personnages rencontrés, dans la beauté des lieux où seuls zonent ceux qui ont le courage et l’affront d’aimer ce bout de terre sur-pollué. Des êtres de chairs, de sang, d’une tendresse et douceur, d’une beauté que seuls possèdent ceux ne croyant pas en avoir, ne se sentant pas aimés.

Alors tenter encore une fois de trouver les mots qui accompagnent Sigolène Vinson et Maritima… Echouer à les trouver beaux et justes. Tenter de trouver le fil qui accompagne les premières phrases…

Comment écrire sur un livre qui se lit, se sent, se ressent, vibre, s’étend. Un livre qui se lit comme on découvre l'humanité, comme on découvre ce qui fait un livre, où le mot roman s'écrit en grand, en majuscule, où les humains n'ont jamais été aussi humain, sensible à cet environnement torchère, brulé, pollué et pourtant si grand, si ocré, lumineux, tendre, élégant ?


« L’oubli, c’était peut-être pas la solution »


S'il n'en tenait qu'à moi je m'arrêterai d'essayer de parler de Maritima car il est impossible de pouvoir en parler sans frissonner, sans en faire de trop, sans déborder. Parce qu'un tel roman ne se raconte pas, il se livre dans la langueur, le silence, la jouissance de rencontrer, lire, relire, vibrer, aimer une écriture, des personnages, une histoire où même le laid se fait beau, où les odeurs se ressentent, les rimes chantent, l'accent se pose, l’anis coule, la mélancolie glisse. Un roman où les usines et leurs fumées toxiques, les Arcelor Mittal et autres raffineries Total ne parviendront jamais a tué ce qui fait la beauté de ce roman : un territoire, l'humaniste, le communiste, la solidarité, l’humain, le courage de ceux qui restent, habitent ce coin d'étang de Berre, les Antoine, Jessica, Dylan, Joseph, Emile, Huguette, Aristote et Pythagore, les Ahmed, Sébastien, Les Mercedes et Frankie, Stéphane…


Je n'y arriverai pas parce que devant mes yeux, il y a Sigolène Vinson et ses manches retroussées, son Moby Dick qui n'a jamais vraiment mangé Jonas, ses yeux, son errance maritime et désertique, le surf sur une mer d'huile, où l'horizon est la plénitude d'une vie, des bouts de cailloux, son sourire lorsque d'un seul coup il se fait.


Je n'y arriverai pas parce que lorsqu'on rencontre l’écriture de Sigolène Vinson, nos mots ne suffisent pas pour dire combien Maritima a ce goût impalpable des grands romans, des grandes histoires, de la beauté d'un étang de Berre et d'un Sud ocré, humain, humaniste, aimé.


Une histoire où le gout maritime n'a jamais été aussi puissant, fort, tendre, doux.

Mélancolique.

Lumineux.

Océanique.


« Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer. Lui, il allait sur le chenal. »
« Elle comprenait que les marées de Méditerranée existaient et que toute chose était un jour ou l’autre ramenée au rivage »


Et relire J’ai déserté le pays de mon enfance, Le Caillou, Courir avec les ombres, Les Jouisseurs et les textes offerts pour un été jaune carré : Presque une wagon, Presquel de courir après les ombres





Maritima

Sigolène Vinson

Les Editions de L’Observatoire


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