Ma chère Gaëlle,
J'aurai attendu longtemps avant de pouvoir publier cette lettre. On aura attendu un long printemps imparfait, un temps étiré, un espèce de virus venu perturbé le cours de nos vies imparfaites. Parce qu'on ne va pas se cacher, on se tutoie. Il n’y a pas d’autres méthodes avec toi. Je pourrais bien sûr me cacher derrière un vous mais à quoi bon, la franchise et la sincérité sont les plus belles pièces d’un jeu de complicité.
Gaëlle, tu es celle qui m’a touchée par ton premier roman « Il n’y a pas internet au paradis », une histoire qui m’a traversée et qui longe depuis ma ligne de vie, mes pas, me réconforte, m'a pris par la main durant ces mois indélicats. Tu m'as touchée par tes mots, ton écriture, simple, lumineuse, sincère, par tes lettres avec Charlotte dans des étés jaunes carrés. Mais surtout, tu m'as touchée par celle que tu es.
Je repense souvent à cette phrase qui me tient de cap et que tu avais déposée «Un jour, je ferai la liste de tout ce que je dois à la beauté de l'art. De toute les fois où elle m'a sauvée du désespoir. Il se pourrait que la liste soit longue. ». C’est cela pour moi la lecture, la littérature, les images. Puiser dans l’écriture, la photo, les ressources nécessaires pour contribuer à une place dans le monde, à trouver ce qui façonne, déterre, questionne, interroge, fait rire, aimer, adoucir, rend belle(s), beaux. Tu nourris mon cœur imparfait de ce qui fait cette humanité, ces individus, ces regards, ces coups de cœur et au cœur.
Tu écris :
« J’écris abreuvée d’échanges et de souvenirs, d’images, de mouvements, de corps, de mots, de sons, de vibrations, d’histoires singulières. J’écris cernée de parfums, de saveurs, de couleurs. De forces et de fragilités. C’est tout cela, pour moi, l’essence même de l’écriture. Ce qui en fait la raison d’être. » (Gaëlle Pingault - Le blog)
Il en est de même pour moi lorsque je lis, lorsque je te lis. Comme un reflet du monde, un reflet de la vie, un élan incroyable vers la bonté, l’imperfection, l'errance, l'humour, la générosité. Le verre plus souvent à moitié plein que vide. Protéger autant que bousculer. Nul n’est parfait mais il n’est pas dit que la perfection est la meilleure des qualités, ni le pire des défauts aussi ! L‘indicible intime des fragments, des cœurs qui battent, des portraits que tu écris, regardes, donnes à vivre.
Les cœurs imparfaits reprennent cela. Cette douce musique de la vie, cette partition sur laquelle nous dansons. Tu as su faire de ce roman, une écriture en douceur, en tendresse et générosité. Tu n’as pas cherché à enjoliver ou entrer dans le vif, à crier ou hurler. De par tes mots, ton écriture, ton regard (tu es une excellente portraitiste, il faut le dire), tu nous as tendu la main, donné le droit de regarder autrement le prisme de notre monde, de cette humanité qui bat des fois trop vite, ne donne plus le la, nous fait jouer une partition sur un autre registre. Tu nous as accordé le droit de nous tromper de tempo, de chanter faux, de rejoindre une chorale et ressentir avec puissance le rôle de chacun dans la naissance, la présence auprès de l’autre, de soi, de traverser ensemble une situation complexe, éprouvante, maladroite, fragile, joyeuse aussi. Tu nous as donné le droit de ne pas trouver la bonne chaussure pour le bon pied, avec ou sans talon.
« Je peux cesser de ne compter que sur moi. »
Si je devais résumer en quelques mots ton roman, je dirai tout simplement que Tes « Les cœurs imparfaits » font un bien fou. Certains n’y trouveront peut–être pas leur compte, mais cela n’a guère d’importance. Il en faut pour toutes les lectures, tous les goûts. Tous les mots ont une place dans le battement du monde, dans la beauté des jours qui avancent, dans les regards, dans l’intensité d’une rencontre, les rires, la souffrance, l’amitié, l’amour, la bonté, la colère, l’insatiabilité, la tendresse, la folie, la générosité, le surfait, le profond, le médiocre, le beau, le grand, la tristesse, la joie, l’indicible, l’intime, le merveilleux, le féerique. Il faut de tout pour comprendre que l’art, les mots, la vie sauvent, sont riches, nous rendent plus sensible à ce qui nous entoure, nous grandissent, que la beauté marque des points avec panache.
Gaëlle, tu es douée pour regarder et écrire la vie, la ressentir telle qu’elle est, nous grandir. Sans fioriture ni emphase. Avec sincérité et tes mots offerts, partagés. Avec celle que tu es. Toi l’écrivaine, l’autrice, la nouvelliste, nous les lecteurs.
« Une vie ne se refait pas, elle se poursuit, même si on prend un jour un virage radical. »
Je ne peux qu’approuver.
Merci Gaëlle. Merci pour « les cœurs imparfaits »
« Les cœurs imparfaits »de Gaëlle Pingault fait partie de la sélection des 68 premières fois, édition 2020. A retrouver sur le site, toutes les chroniques et les diverses opérations menées.
Et retrouver les textes de Gaëlle et les photos de Benoit Didier, les lettres 1 et 2 avec Charlotte Milandri, son premier roman et ses nouvelles parues chez Quadrature.
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