« Enfant, je ne m’identifiais jamais à Superman, mais à Jimmy Olsen, son petit protégé (un photojournaliste). Contemplant le trésor que je reçois pour l’obtention de mon diplôme (un Nikon FTN 35 mn), je comprends qu’en réalité je rêve d’être Jimmy Olsen depuis toujours. Donc acte. »
Il y a quelque chose de terriblement humain, beau, émouvant à découvrir au détour d’un livre, ce quelque chose qui vous brûle les mains, vous dit que ce qui vous est là, vous donne la passion folle de continuer à écrire par les yeux, à régler le diaphragme et la focale, à jouer avec la lumière et les contrastes, de délivrer les mots qui se posent au moment du déclic. Quelque chose de bien plus fort que l’écriture en somme. Quelque chose qui existe dans l’image, raconte une histoire, celle dont vous saisissez la portée, l’émotion palpable.
Il y a peu de livres qui arrivent à compiler l’image et le texte, la rédaction d’une histoire accompagnant la photo. Le roman photo est devenu désuet, cliché. Et pourtant c’est par cette interface, cette création que le projet d’Arnaud Cathrine et de Justine Levy s’est mis en place. Le roman-photo.
C’est par le biais de The Anonymous project qu’Arnaud Cathrine écrit l’histoire d’ « Andrew est plus beau que toi ». Une phrase terrible finalement. Une phrase qui sous-entend que l’ainé est bien mieux, à ce quelque chose que toi, le benjamin, deuxième de la fratrie, ne possède pas : l’intelligence, la beauté, l’instruction, la gentillesse disciplinée. Que sais-je encore ? Tout ce qu’un père aurait aimé que son fils possède, comprenne, soit. Une réplique. Mais que faire quand ce fils ne tient pas les promesses, quand le récit d’une vie est à l’opposé de celle projetée, rêvée. Que faire quand les trajectoires se jouent, fusionnent, s’éloignent, résistent et se délivrent au gré d’une vie. Que faire quand deux frères s’invitent dans une histoire grâce à la magie d’images retrouvées, un album photos d’une « famille » américaine middle class des années 50 installée en Californie ? Que faire de cette trouvaille, de ces mots qui s’écrivent sur ces archives, deviennent histoire, roman-photo, nouvelle au sens noble du terme, au sens d’un livre photo/mots.
Il y a quelque chose de profondément émouvant à découvrir cette construction, ce jeu de créations et d’écriture visuelles, ce mélange des genres qui se marie à merveille, prend vie, corps et forme. On retrouve la grâce de l’écriture d’Arnaud Cathrine, cette façon dont il a d’écrire sur les êtres, de leur confectionner une histoire à partir d’une simple photo polaroïd, vintage. Une histoire sur une image jaunie, des clichés ratés, flous, hors contexte ou mal cadrés. Des photos d’une beauté anonyme, silencieuse, émouvante. Des photos comme il en existe des milliers dans chaque album photo familial. Des photos anonymes, un brin désuet, délaissées, d’anniversaires et de fêtes familiales, de vacances oubliées, cachées dans un vieux tiroir et redécouverte par les hasards d’un album ouvert, d’un après midi diapos ou de regards croisés.
Et c’est par cette correspondance familiale, démocratique, populaire, un brin rétro, ce jeu de miroir que se profile le beau, l’émouvant, l’accessible, le rêve d’un projet fou, intime, de ce quelque chose qui vibre entre les lignes. Qu’est ce les photos nous racontent, quelles histoires peuvent-elles inspirées ?
A découvrir
Les premières pages d’ Andrew est plus beau que toi
Le Livre de Justine Levy, Histoire de familles
Ces 3 livres qui ne me quittent pas : C’est un lieu qui existe encore, L’été sans fin, Songwriting
Les archives familiales
Les projets fantastiques qui dorment au fond de soi
Quel projet... intriguant!
J'avais déjà vu Justine Levy parler de ce projet... Cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas lu Arnaud Cathrine.