Il y a quelque chose que j’aime profondément chez Vincent Delerm. Son œil. Ce regard précis et humain sur ce que l’on ne voit plus, ne prend plus le temps de regarder, d’aimer, apprécier. Il n’y a nul exercice de style ou de genre, juste la beauté du souvenir, la volupté de l’instant, la poésie du moment et surtout ce regard, ce regard qui en dit long sur ces détails, ces morceaux de vie. Car outre le fait que Vincent Delerm est connu comme chanteur, compositeur, interprète, musicien accompli, il est aussi et surtout ce chantre du conte imagé.
De par sa tendresse, sa générosité, on entre dans son monde. Un monde qui nous chamboule le cœur et nos émotions, nos sentiments, nous procure des frissons. On s’installe, comme pour une soirée diapos, et on savoure. On savoure chaque image racontée comme une histoire, ou chaque histoire racontée comme une image. Il n’y a rien de transcendant ou d’admirable dans ce cadre, cette image. Rien. Mais en fait, il n’y en a nul besoin : tout est là. La beauté de la vie, ce savoureux et exquis instant inabouti, inachevé ou tout est encore à écrire, à raconter.
Il y a ces plages de sable fin où les corps sont allongés face à l’océan, les souvenirs d’une jeunesse folle, les locations saisonnières perdues au fond de la pinède, celles qui sentent le pin, l’huile solaire, les barbecues et les apéritifs qui trainent encore au fond des verres. Il y a ces lampions, ces flonflons, ces ampoules, accrochées sur une guirlande, qui s’allument le soir près du port et qui annoncent le spectacle de bords de mer. Les mobylettes grondent, les voitures se garent le long des murs fissurés. Les rires se font entendre. On entre dans l’image.
Puis au détour d’une page, se dresse la mélancolie, la tendresse qui se rappelle à nous, la douceur d’une simple bassine rouge posée sur une table en formica. Il y a la vie, palpable, la saison des possibles, des laisser-aller, la saison de l’été.
Il y a ces longues journées où ne rien faire est le luxe suprême de ce moment entre parenthèse. On regarde le ciel, se rue sur la camionnette du pizzaiolo du coin. L’odeur du hêtre fumé nous chatouille les narines. « Feu de bois » comme un délice absolu. Le voyage les pieds dans les tongs ou les espadrilles. Le silence de l’après-midi étouffant laisse entrevoir les rideaux en crochet et dentelles sur les fenêtres entr’ouvertes. Les chaises s’étendent, les parasols abritent du soleil, l’enfant s’endort. Sur le fil sèchent les paréos, cela même qui ont servis le matin au bord de la piscine ou de la plage.
Dans le bruissement des feuilles « l’été à perte de vue. L’été sans fin ».
« La photo, c’est la case manquante, ma façon d’exprimer ce que je ne peux pas décrire en chanson »
(« L’été sans fin » fait partie du triptyque des photographies publiés chez Acte Sud et qui regroupe « C’est un lieu qui existe » encore et « Songwriting »)
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