Je me souviens du jour où j’ai reçu ces livres. C’était encore un jour de mai même si la date était légèrement dépassée. Je me souviens qu’il faisait beau et que je me suis assise sur une chaise, dans ma cuisine. J’ai ouvert le paquet. Ça aussi je m’en souviens. Je me souviens que j’avais reconnu bien avant d’ouvrir, l’écriture qui indiquait la provenance. Je me souviens qu’elle avait le don de me surprendre quand je ne m’y attendais pas.
Je me souviens que comme à chaque fois que je lisais ses mots, de reconnaitre sa façon de toucher, de montrer son attention, son amitié. Je me souviens que comme à chaque fois, je les attendais presque autant que ce que je découvrais.
Je me souviens que je n’avais pas soufflé de gâteau, ni allumé de bougies mais que cela n’avait guère d’importance.
Je me souviens.
Je me souviens que j’ai ouvert… Parce qu’il faut toujours ouvrir les cadeaux, surtout ceux qui viennent du cœur, qui viennent de ceux qu’on aime.
Je me souviens.
Je me souviens des premiers gestes : ciseaux, pierre, feuille… Je me souviens avoir souri. Jaune Carré, Vert Sapin, Vert Sépia et un prénom Vincent. Je me souviens d’un nom Delerm.
Je me souviens des araignées, des avalanches, de Jean Louis Trintignant, Deauville, du premier album que j’avais allégrement pompé sur les premiers sites de peer to peer, sans autorisation. Un vol à l’arraché des droits d’auteurs qui depuis m’a fait prendre conscience de la création et sa fragilité. Je me souviens Des gens qui doutent. Des baskets blanches. Des lunettes et de la barbe naissante. Du regard désabusé de ceux qui se proclamaient Biolay contre Delerm, Delerm contre Biolay. La nouvelle vague qui arrivait. Je me souviens que je m’en foutais parce que j’aimais les deux, et puis Albin, Jeanne, Dominique, Bashung toujours, la Grande Agnès sans oublier…
Sur l’échelle de ma photographie interne, je me souviens que la photo en noir et blanc était d’une poésie folle, d’une tendresse sincère, de ces sacs de souvenirs qu’on se trimballe et que pour rien au monde on remiserait dans un placard ou un débarras. Je me souviens mettre dit photo ou musique ? Photo ou écrits ?
« Je me souviens qu’il n’y a pas d’endroit meilleur qu’un autre pour écrire, de lumière qu’une autre, de piano meilleur qu’un autre. »
Je ne veux pas mourir ce soir. Favourite song, Kensington Square, Fanny Ardant, Vie Varda, Je ne sais pas si c'est tout le monde …. Les chanteurs qui touchent font des chanteurs touchants, des amants parallèles, des cerfs-volants dans les embellies de vie. Les photographes qui regardent font des photographes touchants. Photos d’un univers que seul Vincent Delerm semble voir et qui définissent la vie en poésie, donnent une saveur particulière aux plages de bords de mer, aux escaliers parisiens, aux parasols de fin de soirée, aux micros délaissés d'avoir tant résonné.
Je me souviens que Delerm est un des seuls à faire de son regard, un regard qui ressemble à ce que j’aime. Un petit monde, une ode à la fragilité incertaine, un poème de quatre sous à ceux qu’il aime, des fonds perdus, des flous défloutés. Recording symphonie album photos.
Je me souviens qu’il y a toujours des chanteurs qui nous murmurent des mots, des sons, une poésie touchante, émouvante, des souvenirs qui sont liés à un moment de notre vie, comme Barbara, de la Simone ou certains vieux blues qui grésillent, des jazz qui nous saisissent, des Dominique, des Alain, des Cat, des John, des Ella, des Nina et tellement d’autres encore. Des artistes qui disent des mots, des images qui nous touchent et font de notre vie, une vie hors compétition.
Je me souviens… Songwriting et qu’il n’y a pas d’équivalent français à l’expression.
Songwriting fait partie du triptyque C’est un lieu qui existe encore et L’Eté sans fin.
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