« Alors vas-y, Camille, mords les jours à pleines dents. Danse, ris, accompagne ces femmes qui donnent la vie, papote des nuits entières, aime et puis recommence. »
Il s’en va des livres comme il s’en va des rencontres : des instants privilégiés, des sentiments, une émotion, une écriture, de la poésie, une vie, un soi quelque part. Un soi qu’on camoufle malmène, tait de peur qu’il ne gêne le monde. Un miroir, une caresse, un aparté, une étrangeté, une histoire qui vient se nicher, entreprendre un lent cheminement vers un soi.
Attends moi le monde.
Je pourrais vous raconter l’histoire du nouveau roman de Gaelle Pingault, qu’après il n’y a pas d’internet au paradis, les cœurs imparfaits , des lettes à et de multiples recueils de nouvelles parus chez Quadrature, Attends moi le monde est tout bonnement un petit bonbon, une saveur qui vient prolonger l’envie d’été, un avant gout à l’automne, à la morosité de novembre. Je pourrais mais cela serait vous priver de l’histoire, l’empathie, l’étrangeté, l’humour, la délicatesse, la poésie des mots, des sons, la tendresse et la folle envie de lui répondre, « j’arrive, j’arrive », d’excuser ses fautes, que ce n’est pas si grave, que tout est possible, d’être assez fou pour compter sur soi, de réveiller l’espoir et que l’important c’est de ne pas de toucher la cible mais de la viser…
Attends moi le monde.
Lire Gaëlle Pingault est entrer dans cette résonnance, dans ce monde qui nous attend, discuter et aller à la rencontre de personnages singuliers, décortiquer les humeurs, entendre les silences, les bruits et tumultes de la vie, de son manège. Il n’y a aucun doute : l’amour de l’autre, des autres, la vérité, la sincérité des rencontres, le paradoxe sont ce qu’elle offre à ses personnages, aux histoires, à nous.
Son écriture devient viscérale, atelier à l’usage des mots, d'un histoire. Elle rabote, détourne, égalise les vertiges, façonne, creuse la veine pour en offrir sa juste valeur, sa dimension, sa couleur, sa colère, sa force, entreprendre l'histoire entre réalité et fantastique, entre conte et veine porteuse. Elle monte, entreprend, bâti, affamée d'une quête de sens, de percussion-répercussion, de tissage entre l’écriture, l’histoire et soi.
Lire Gaëlle est lire un bout de soi. Une image cachée révélant la justesse de la vie, des sens, la place qu’on occupe, cherche, la sensibilité, les émotions, les fragilités et forces qui en émanent, la solitude dans un univers où l’on nous force à sortir d’un soi, à s’exiler de ses valeurs, tirailler entre un grand-écart et un confort en trompe l’œil. Un moment de bascule, de révélation, de courage qu’il faut pour exister, se révéler, sortir de son cocon, larguer un monde, ses amarres et devenir.
Attends moi le monde…
Il y a tout cela dans l’écriture de Gaelle Pingault : l’écoute, le regard, la bascule, les vertiges, la tendresse, la force, l’humour et la rencontre avec un personnage fragile, sensible, fort. Un nous. Une tendresse, une arabesque, un élan et prendre sa place. Une résilience, un cheminement, un encouragement, une consolation, une douceur, un ancrage au grand large, un appui, une poésie et quelques mots qui prouvent la vie c'est aussi :
« ... la fragilité n’est pas une tare. Et qu’en l’acceptant, on va bien plus loin qu’en la combattant. Cela te rend beaucoup plus solide que la plupart des êtres que tu côtoieras. »
( Et « Change, invente, arrache, créer, charge, cogne, balafre les, dès qu’ils te disent que c’est foutu, que c’est foutu, tu les fais taire » – Ben Mazué, Attends moi le monde)
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