« C’est un grand bouleversement que d’abandonner un travail alimentaire, des horaires, un salaire, des collègues. C’est aussi lâcher cette peur qui rend, depuis plusieurs années, chaque matin difficile, chaque journée un espace hostile à traverser. Ma vie, mon temps m’appartiennent, pour la première fois. Je ne sais pas si je suis heureuse.
De Frédérique Germanaud, j’ai lu des romans, des poésies, des textes, des récits, des peintures aussi. A chaque fois, son écriture, ses mots, sa création ont été un refuge, un silence, une maison à soi, un moment d’introspection, une composition qui me correspondait, une union tissée entre ce qu’elle avait écrit, crée et ce qui m’enrichissait.
Il y a quelque chose d’essentiel à découvrir dans les mots de Frédérique Germanaud. Il y a la beauté des choses simples, des choses vraies, humbles se découvrant créatrices de mots, de vie. La pause nécessaire qui devient matrice.
« Le juste terme est peut-être celui de la langueur. Je suis prête à accueillir cet état. Disposée aux creux, chemins de traverse ou taillis qui se trouveront sur ma route. De cette langueur, choyer l’absence de précipitation, quelque entre attente et sérénité. Un an devant moi. Une éternité. Une brève pause. Selon ce que j’en ferai. »
Un Journal pauvre comme un journal de mots, d’écrits, d'un bout de vie d'une année sabbatique. D’une vie liée à l’écrit, à l’art, à la création, à l’histoire, la sienne, la nôtre. Un Journal pauvre comme une année de mise à l'arrêt, une année pour savoir si la décision prise est la bonne, si elle correspond à cette envie et besoin, cette nécessité absolue de débrancher la prise qui maintient à un monde qui ne correspond plus.
Un récit-journal de bord, journal de vie où la délicatesse se réveille, s’apprivoise, devient force et beauté vitale, une âme à l’abri, une âme créative qui grandit, s’épanouie, devient, existe. Des fragments récits intimes qui racontent une histoire, la sienne, la nôtre, celle que l’on poursuit comme un rêve et nous montre un possible, une voie, un cheminement, sans jugement.
« Se rendre compte à quel point la vie est fragmentaire, mouvante et jamais complète. Chaque action demeure inachevée. Chaque action n’est que la partie d’un tout lui-même inachevée. »
Un journal pauvre comme une lumière de ce qui nous éloigne des pas en trop, de trop, de l’amas de ces nécessités non vitales, des absolues qui n'en sont pas. Un journal pauvre comme l’ultime et précieux fragment de ce qui nous relie à l’essentiel, à la fragilité de ce que l’on est, à la découverte, et l’exploitation, rempart à ce qui fait de nous, nous donne, nous offre la vie. Un journal pauvre comme ces petits riens qui deviennent essentiels. Ce texte fin, ciselé et d'une acuité visuelle est une union célébrant la littérature, l'art, la création, la simplicité, l'humain, la sobriété. Il possède ce souffle, une respiration qui trouve sa place et offre la vie. Les mots résonnent et amplifient le décor et l’invisible.
L’écriture et la vie. L’écriture est sa vie. D'une écriture simple, pudique, ciselée, Frédérique Germanaud en fait ce quelque chose d'universel, essentiel, vital. C’est cette délicatesse toute en fragilités et teintes qui en fait un récit, un texte sensible, tenace, bouleversant.
« Chaque fragment raconte une histoire. Chaque fragment témoigne et devient part de l’œuvre. »
Il n’y a aucun doute ce journal pauvre est riche. Riche de Frédérique Germanaud, de son écriture, de ce qu’elle est, de l’écrivain qu’elle est. L’écriture et la vie. L’écriture et sa vie.
« A la question : que faites-vous dans la vie, je vais pouvoir répondre écrivain, peut-être pas tant par sentiment de légitimité, que parce que, réellement, je ne fais rien d'autre qu'écrire. Beaucoup trouve cette décision courageuse. Ce n'est pas le cas. Plutôt une idée de sauve-qui-peut, et aussi de dernière chance. J'ai osé. »
Sublime.
« Aujourd’hui il n’y a plus d’obstacle entre le livre à écrire et moi. » « L’écriture : une chance de devenir complète. L’écriture comme exercice de vie. »
A lire Quatre vingt dix motifs, Intérieur nuit, Vianet la lettre, Courir jusqu'à l'aube, un extrait de journal pauvre
Je pense que ce livre me plairait. Merci. Bon week end.
BONHEUR DU JOUR