« Elle est cris, plaintes, pleurs. Elle rampe, brûlante entre les chairs, et quand elle s’enrage, elle mord, elle griffe, elle broie, elle poignarde, laissant pour seule œuvre des corps qui se tordent. Sournoise, acharnée, hideuse avec sa tête d’insecte, elle est la douleur. Et la détresse, et le désespoir, comme des chiens fidèles, lui lèchent les doigts. »
Lire Damien Murith est rarement une lecture dont on sort sans y laisser une grande part de nous, sans ressentir la fulgurance, la foudroyante beauté d’une écriture. Il a cet art d’écrire et d’installer en plein cœur, la concision, la noirceur et la beauté. Il serait facile de penser que son écriture, est faite de souffrance, d’une noirceur absolue, de ce coup de couteau qu’il assène comme on assassine le mal, les maux, comme on danse autour de la douleur, du cri, du diable. Il serait facile de s’arrêter à ces mots jetés, concis, fort sans y trouver, entendre ce qui fait sa musique, son requiem, sa peinture, son écriture.
Lire Damien Murith, c’est se frotter à la noirceur des âmes, la souffrance des cœurs, la boue du corps, le cri qui trifouille nos viscères, anéantit nos sanglots. C’est se tenir au bord de la falaise, au bord des ravins, du vide, du néant, des errances. Il creuse, désaxe, jette, gratte, plonge dans nos creux, au fond du mal, des maux, retourne la source à défaut de la déterrer, ouvre les plaies, la chair, endolorit nos pleurs, nous enivre d’une écriture à l’os. C’est entrer dans une langue silencieuse, la concision, dans l’art ultime de l’écriture, de la bataille des mots sur l’histoire, de la force sur la douceur. C’est la grisaille qui laisse place au rouge, au noir lumineux, aux sombres d’une palette chatoyante. C’est une langue débarrasser de tout ce qui est inutile, tout ce qui trop, ce qui est défaut, narration, narratif. C’est le là, ici, sans artifice ni fioriture, sans le besoin éternel de paraitre, de s’octroyer la place du vainqueur. C’est là, oui. Là, dans le creux de l’os, dans l’oxygène rarifiée.
« Nous avons pour nous l'expérience. Nous savons qu'on ne se soigne pas par la rage. Nous savons qu'on ne se soigne que par amour des autres, ou des dégoûts de soi. Que faire de l'amour-propre lorsque la peau qui nous enserre est une étrangère ? »
Lire Damien Murith c’est se prendre une grande claque. Une grande claque de ce qu’est l’écriture, de ce qu’est écrire, lire. C’est tanguer et se tenir dans la justesse de soi, dans la beauté d’être, dans la fulgurance de se savoir. C’est dessiner les contours du mal et pénétrer, avec la certitude de nos fragilités, dans l’espoir et la vie. Et cela qu’elle qu’en soit la souffrance, la douleur.
C’est fulgurant de beauté, fulgurant de désirs, un cri poussé, la lumière dans une noirceur absolue. C’est grand, immense, vertigineux. Ce sont 65 pages où on en ressort avec cette incroyable sensation qu’écrire est cela : Faire Le deuxième pas.
« Et il viendra, il viendra forcément le jour où nos yeux arracheront le voile qui les aveugle. La vérité, nous pourrons la regarder en face, sans trembler, sans fuir, sans nous cacher derrière mille excuses. Nous apprivoiserons la douleur en la caressant, en la nourrissant de tendresse, mais du revers de la main, nous écarterons son cortège : la haine, la honte, la tristesse. Pierre après pierre nous détruirons nos remparts, nos donjons, et nous irons vers les hommes, lentement, nous arrêtant souvent, mais nous irons. Et si nous avons été notre propre enfer, et si nous avons été notre propre ennemi, alors nous serons notre propre remède, notre propre phare. »
Et lire, relire la trilogie « Le Livre des maudits », qui regroupe « La lune assassinée, les milles veuves, Le cri du diable ».
Tu m'intrigues beaucoup avec ce titre. Tu sembles bouleversée par la force de l'écriture de cet auteur. Merci pour ta participation à mon bilan des coups de coeur !