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  • Photo du rédacteurSabine

Raphaëlle Riol - le continent


« J’étais survivante d’une bataille sans corps ni mort apparente pour l’instant. Je revenais de loin. Du plus loin que le continent. Du monde du travail. »

Quelque part au milieu de tout, au milieu de rien. Une île comme un refuge, un phare, un bout de caillou qui rappelle l’existence, qui rappelle à la vie quand la destruction à petite dose devient dévastatrice, irrespirable. Une île, quand les chiffres qui s’alignent sur les livres comptables, les tableaux, les courbes et graphiques ne révèlent que la cruauté des coupes budgétaires, des intrigues et humiliations, des renoncements et des brutalités d’un management puéril, guerrier, dévalorisant. Une île loin du continent, loin de toutes les manigances, des arrogances et des choix imbéciles, des dénivellements culturels, sociétaux, politiques, privilégiant la voracité de l’individu à la force d’un collectif, d’un groupe.


Une île comme bouée de sauvetage, comme ce qui est, nait, renait.


Quitter ce bâtiment nommé lieu culturel, lieu de vie, quitter le continent. Fuir, crever plutôt que mourir à s’épuiser devant les yeux de celui qui allume le feu, qui lamine, érode les fondations, brise les croyances, les corps. Partir loin des restructurations, des plus par moins. Se barrer avant de sombrer, se noyer et se blottir, ressentir la citadelle, l’île. Prendre le large, la colère, la rage, le désespoir en guise de révolte. Prendre le large, revenir sur ce bout de caillou, celui de l’enfance. Retrouver sens, quête, essence, minéral, odeurs, couleurs, formes, pierres et empreintes. Retrouver ce qui est, ce qui bâtit, rénove, construit, réinvente. Une vie comme une bâtisse, une citadelle-lieu de vie. Bâtir et reconstruire en plus solide, en plus proche, « roche » de soi.


« Faut pas gratter une terre en jachère. C’est le seul conseil que j’ai trouvé à te donner. Surtout pas. La mauvaise herbe envahit tout et vite. Moi je laisse toujours faire le désordre naturel. Des fois ça port ses fruits. Parfois des fruits qu’on n’attend pas. »

Le continent est une gifle, une gifle aux renoncements de nos croyances, de nos petits arrangements pour tenir encore un peu. Raphaëlle Riol écrit les vibrations, l’émotion renaissante, les pulsions de vie, les nuances d’une fureur, d’un frémissement, d’une lumière et volonté. Elle pose les mouvements, décrit la pause nécessaire du corps éteint, étreint par la souffrance, vide, épuisé, révolté. Elle chemine sur un récif, caillou dans la poche, au plus près des plaies et de la vie qui renait, rejailli de manière imprévisible, imperceptible, comme une banalité d’un lent retour vers le continent, vers soi, vers les autres, vers ces personnages, des frères, des sœurs, des mains auxquelles il est bon et fort de caresser, retrouver, relever, réinventer ensemble.


« Effacer sa première peinture, la couvrir d’une nouvelle plus sûre, plus éclatante, c’est commettre « un repentir ». Rien que ce mot mérite lui-même un repentir. »

D’une écriture sensorielle, quasi minérale, magnétique, douce et puissante, sauvage, Raphaëlle Riol nous mène vers l’abandon des récifs, la lucidité, l’énergie, la quête inexplorée d’un soi profond ancré. C’est fort, envoutant, sensitif, sensible, poétique, sans compromis, lumineux, vivant, résistant, lucide, coloré et vie.


Un continent, une île et « l’art pour ne point mourir de la vérité. » (Nietzche)


« Glisser n’est pas couler. »

«La principale vertu de l’écriture c’est de bercer les douleurs, de corriger les regrets et d’assouvir les fantasmes. »


Et relire Le Caillou de Sigolène Vinson, Il n'y a pas internet au paradis de Gaëlle Pingault, ce matin là de Gaëlle Josse.



Et un petit clin d'œil personnel : « Un jour, je ferai la liste de tout ce que je dois à la beauté de l’art. De toutes les fois où elle m’a sauvé du désespoir. Il se pourrait que la liste soit longue. » (Gaëlle Pingault)




le continent

Raphaëlle Riol

Editions du Rouergue – Collection La Brune

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