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  • Photo du rédacteurSabine

Miroslav Sekulic Struja - Pelote dans la fumée





« Il n'y a pas si longtemps, ils étaient six dans cette baraque. Ils n'avaient qu'un seul lit déglingué... ...mais, comme par miracle, ils savaient tous s'y serrer comme des souris. Et les rêves ? Les rêves entraient alors par les fenêtres aux carreaux cassés, accompagnés du clair de la lune et de l'odeur des pains de la boulangerie voisine et se mettaient à tournoyer autour de leurs têtes et le grognement dans leurs ventres ne partait qu'avec les premières sirènes des bateaux du matin. »

Une plage au milieu du rien, des immondices et autres bouteilles à la mer rejetées, pavés dans une ruelle où seuls vivent ceux qui ont tout raté, la misère, la saleté, la vie comme une clé paumée, pollution, chimie, prostituées, drogue. Pelote, comme trois bouts d’un fil pour ne pas tomber, résister encore un peu, trouver une chaleur dans ses propres bras, se peloter, peloter le monde, pour faire comme si on était encore vivant au milieu du néant, au milieu du rien, de la fumée, des déchets.


Pelote.

Dans la fumée.


Il y aurait beaucoup à dire, écrire sur le roman graphique de Miroslav Sekulic Struja. Une infinie tristesse et mélancolie. Une infinie tendresse et bonté. L’art de s’effacer quand le destin vous somme d’avancer dos vouté, nez dans un sac de colle, quand la guerre frappe pas si loin et laisse la place à la misère, Cosette et ses frangins, Hugo et Dickens, la mère au pas des escaliers, brosse à la main à nettoyer des parquets, le père entre deux gorgées d’une vinasse frelatée, les potes de rues, d’orphelinat pour tenir encore un peu debout, ne pas être seul, yeux dans le vide, bouche amère, bras et avenir liés. Rixes et bagarres, taper, frapper pour ne pas abdiquer, sentir encore un peu la vie dans le sang, les poings serrés. Un été, un automne, un hiver, un printemps. Des saisons, une année.


Et Pelote

Pelote dans la fumée.


« Tous ces gosses aux yeux absentes, plongés dans leur enfance perdue. Rares sont ceux qui arrivent à tromper le sort auquel ils semblent condamnés. Mais peut-être, qu'un jour, il y aura un changement, une amélioration. »


Il y aurait beaucoup à dire de Pelote mais surtout il y a à voir. A regarder. A ressentir toute la tendresse du dessin de Miroslav Sekulic Struja. (auteur du sublime Petar et Liza). Se perdre dans les pages, les planches, un monde, dans les couleurs, les aplats, les vagabonds et autres déserteurs, les fuyants et les perdus, les décors intérieurs d’une richesse créative vivante dingue, d’un pauvre bout de terre où un taudis au volet vert devient le paradis sur terre. Il y aurait beaucoup à dire dans chaque scène, chaque personnage, chaque détail posé, ajouté, comme un amoncellement des silences et des misères entassées. Il y aurait à dire la vie, dans ses palettes de victoires, de batailles, de vides. Dans chaque case, dans chaque univers. Comme dans un film d’Emir Kusturica. Bordélique, miséreux mais vivant. Comme un bout de pelote qui tient chaud. Chaud malgré les fumées.



« Des fois, on se sent déjà grand et des fois trop petit face ce qui nous arrive. La vie ne nous épargne pas. Elle te voie, elle t’étire, on est chahuté. C’est pour ça qu’il est important d’avoir un but, un objectif noble. Quelque chose de grand. Et de ne jamais le perdre de vue. »


Pelote dans la fumée

Eté, automne, hiver, printemps

Miroslav Sekulic Struja

Actes Sud




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