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  • Photo du rédacteurSabine

Laurine Roux - Le sanctuaire



« Armer, viser, tuer : voilà ce pour quoi je suis programmée. Voilà ce qu'il faudrait faire. Pourtant, quelque chose en moi résiste. Je voudrais garder mes mains le long de mon corps, admirer le tracé de l'oiseau, ce lent carrousel dirigé par d'imperceptibles mouvements de plumes, j'aimerais attendre cet instant où l'aigle va replier ses ailes, crier avant de plonger sur sa proie, pointe de flèche à laquelle aucune cible ne peut réchapper. »

C'est un conte noir, une immensité calme et loin d'être sereine, un Sanctuaire d'où on ne revient jamais, d'où on ne devrait jamais sortir. Un endroit caché au milieu du minéral et du végétal où seule la survie est de mise. Une survie contre le mal, la terreur, la peur, la folie des hommes, une épidémie. Un endroit où seule la vie peut paraître extrême, sauvage mais existante. Une immensité au cœur d'une montagne, un lieu reclus dan la forêt, perdu, loin de la sauvagerie, d'un monde perdu.

C’est une histoire qui côtoie la folie, nous emmène dans nos plus bas et vils instincts, nos désillusions et libertés inassouvies, nos quêtes d’espérances et d’espoirs, nos croyances et foi désespérées. C’est le noir et la sa vengeance, sa plus sombre lumière, le prisme de aliénation, la possibilité d’un autre monde déshumanisé. Un roi sans un royaume, une famille sans autre domaine que la cime des arbres qui ornent la forêt.


C’est l’histoire d’oiseaux, de rapaces, de chasse à l’homme, aux hommes, à une pandémie qui décime les rêves et les croyances, déshumanise un monde, rend fou. La folie jusqu’à la lie, l’ivresse, la perception possible d’un autre monde, d’une autre vie, l’irréalité d’une liberté à acquérir, le labyrinthe d’un bonheur obscur.


« Nous ne sommes pas grand-chose sur Terre. »

C'est surtout un immense livre. Un livre subtile, monstrueusement beau et poétique, fort et ivre de liberté, de cette lumière qui naît dans et par les ombres, la noirceur, de ce possible qui se rêve, s’acquiert au terme d’une conquête sur soi, sur un royaume isolé, brut, sur le Mal, sur les barrières et frontières infranchissables, les interdits et les peurs.


Une histoire où chaque mot nous prend à la volée de nos entrailles, nous pousse dans nos retranchements, dans ce qui nous semble la sauvagerie même, la folie et la liberté féroce, volontaire de vivre. Chaque mot comme une poésie digne d'une dévoration primaire, d'une cruauté bestiale, primitive, chaque personnage donnant un symbole, une quête, une survie sur la vie même, sur soi, sur ce qu’est et peut être la folie des hommes, d’un homme. Et les oiseaux, ultime messager d’un vol majestueux, d’une liberté inassouvie, d’une transgression des règles et d’un ordre établi.


« Dans mon cœur, une bombe. »

Et pourtant derrière cette férocité se cache l'inépuisable quête de vie, la beauté d'une langue, la richesse d'un ton, d'un chant païen. C est beau à se damner, à se glacer les "sens" et se réveiller, une furieuse envie de vie, de pourfendre l’armure et oser s’envoler, téméraire et libre de toutes entraves, collets. C est beau comme un vol d aigle, tournoyant autour de sa proie et dans une volte-face, se posant sur le bras confiant, protecteur, vivant.

C est une danse noire, une tempête, un chant d'amour. Un conte qu'on raconte aux enfants pour leur faire peur. C est beau par ce nous donne à lire Laurine Roux, à s'imprégner. Une atmosphère. Une fusion. Un vol. Un jour de corneilles, un pas Dans la forêt.

C'est beau comme un monde qui nous paraît obscure, incertain et qui pourtant demeure, vit, revit, renaît. Un aigle pour phénix. Une dévoration des fées.

« Un autre monde est possible. »

Le Sanctuaire

Laurine Roux

Les éditions du Sonneur

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