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Charlotte Milandri - Lettre à

Dernière mise à jour : 1 sept. 2019

Ma chère Gaëlle,



Cela fait un moment que j’ai reçu ta lettre, je l’ai lue et elle a infusé. Les lettres, même électroniques, ont la vertu d’être intemporelles, de ne répondre à aucun impératif actuel de réponse immédiate, laisser venir le moment incontournable de la réponse.


Je ne sais pas par où commencer, il est difficile de ne plus pouvoir se cacher derrière Adèle, ce filtre naturel et rassurant de l’être libre qu’on voudrait qu’elle devienne. Il est tellement facile de projeter sur nos enfants ce que l’on n’ose pas être.


Oser, m’autoriser. J’ai l’impression d’attendre qu’une autorisation à être vraiment me parvienne, on trouve mille choses pour s’empêcher, je n’ai pas encore trouvé la seule qui compte, celle qui fait devenir. Mais tu as raison, c’est sans doute un lent processus, là où je crois qu’il s’agit d’un doigt divin posé sur moi pour m’absoudre.


J’ai longtemps pensé (je le mets au passé alors que le présent serait le temps plus juste) que je n’avais pas le droit d’écrire, comme si en le faisant je me mettais à hauteur des dieux. Ce n’était même pas un rêve, j’ai toujours rêvé avec mesure, ai-je vraiment rêvé enfant, je n’en suis pas certaine.


Hier, je parlais de cette tentative d’alignement que j’essaie de faire depuis toujours, activement depuis plusieurs mois. Je pensais l’atteindre, et puis il y a eu des événements, des portes fermées, j’ai été déstabilisée. C’est sans doute à cela que doit ressembler une vie, mais la grande impatiente que je suis ne se satisfait pas du temps qui doit faire son œuvre, des concessions faites sur l’essentiel, de cette contradiction permanente entre la certitude qu’il y a urgence et le confort de ce que l’on connaît, même si le carcan est trop serré.

Hier, on m’a demandé de citer un moment de plénitude. J’ai hésité et j’ai répondu ce moment, un soir, les enfants endormis tôt, la fenêtre ouverte derrière moi avec les oiseaux faisant entendre leurs chants, la lumière de mon bureau allumée, une tisane, mes feuilles et mon ordinateur. J’ai relevé la tête au bout de trois heures, heureuse de ce moment où je n’étais à rien d’autre qu’à cela, écrire. Le dire a été un premier pas, comme si la bonne réponse eut été au parc avec mes enfants, te l’écrire en est un autre. A qui ai-je enlevé quelque chose en te disant cela ? A personne, je crois.


Alors, tu as raison, il ne doit pas y avoir d’avant et d’après, juste un prolongement, juste une acceptation de soi. Mais te l’entendre te dire, c’est bien aussi. Merci, d’avoir posé ses mots sur les miens et d’avoir ainsi ouvert des possibles.


Il est quand même fou de te lire, en ayant l’impression de se lire soi-même, de se croire seule à dépêtrer dans un truc étrange, se croire en marge alors qu’il suffit de regarder. Cet être social comme tu dis, j’ai l’impression chez moi qu’il est double, que je porte un masque en permanence sauf dans certains cas trop rares.


Je ne sais pas comment terminer la lettre, comme si par ta réponse, tu avais ouvert une conversation sans fin, à laquelle je pourrais revenir à l’envie, comme si quelque part tu laissais une porte ouverte pour mes jours de grand froid.


Je t’embrasse, et je finis de lacer mes chaussures de montagne.


Charlotte



Charlotte Milandri

(lire la lettre à de Gaëlle Pingault)


Ma chère Charlotte,



Grâce à Sabine et à son petit carré jaune, tout se rejoint. Toi et moi nous sommes connues par mon amie Elsa Flageul, à qui j’ai écrit ici au début de l’été. Elle avait déjà publié des livres quand est paru mon premier roman. Tu faisais partie des blogueurs qui la suivaient et elle m’avait conseillé de t’adresser Le Fil. Je me souviens encore de tes premiers mots, reçus sur mon téléphone alors que j’étais dans un jardin en Normandie. Tu avais commencé à lire, tu aimais. J’avais alors très peu de lecteurs, Le Fil n’était pas encore en librairie. Sentir qu’il te touchait m’avait bouleversée.


Depuis ce jour, tu es là. Sur mes livres, tu as écrit des articles pour ton blog, des chroniques pour la radio, des posts sur les réseaux sociaux. Tu m’as invitée au salon du Mans, dans une médiathèque tu as organisé une lecture pour Lisa Balavoine et moi. Tout récemment, tu as été chargée par mon éditeur de la communication autour des Miroirs de Suzanne. Comme une évidence.


Mais au fil du temps tu es devenue bien plus qu’une blogueuse aimant ce que j’écrivais. La première fois que nous nous sommes rencontrées, nous étions aussi timides l’une que l’autre. Puis nous nous sommes revues, nous nous sommes écrit. Nous avons appris à nous connaître.


Tes attentions sont si belles, un bouquet de fleurs, un livre, une carte postale. Beaucoup de douceur envers les autres, pas toujours assez envers toi-même. J’aime ta réserve, ton regard profond, ton écoute sans faille. J’aime ce que nous partageons, des confidences, l’apaisement des doutes, la confiance.


Et puis, il y a les textes que tu publies régulièrement. Ton évocation forte et si juste de la maternité, de l’enfance, de nos rêves. Dans tes mots, je sens ce qui en toi remue, ce qui en toi bouillonne : l’écriture.


J’ai hâte de te lire et je t’embrasse,

Sophie


Sophie Lemp



Ces textes et photo sont protégés par le droit d'auteur. Merci de ne pas le reproduire sans autorisation !


Lettre à

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