« Ce livre est le portrait rapiécé de ce lieu sans contour, un espace fait de calque, une sorte de cartographie qui n’élucide rien. Ce n’est ni une histoire ni un bloc. »
Les Pyrénées. Entre modernité et habitude rurales, cachés entre pics et torrents, cirques et vallées, villages déserts, ruelles et pierres. Pour qui ne s’est jamais rendu sur ces terres loin d’un tourisme de masse, de tous sillages et villégiatures aux portes et chemins d’ors, ne peut comprendre ce qui relit la terre à la vie, les silences à l’âpreté, la beauté saisissante d’un territoire, d’une vallée perdue, à un terminus historique et géographique, un bout du monde éloigné des surenchères sociétales, des beautés fades d’un monde globalisé, survendu. L’Ariège, terre à jamais jardin d’Eden. Une source gardée et des histoires qui se devinent gravées dans les pierres, les ruelles où le soleil se joue les éclaircies et le temps qui s’égrène.
Pas d’histoire ou de récit. Des fragments. Une trame. Un canevas de pierres, de parois, de lacs aux profondeurs inconnues, de portraits passés, présents, l’obsolescence vivante d’un monde replié. Un monde tricoté, rapiécé, où la beauté réside dans l’âme d’un village, un lieu, la poésie, des visages, des murs d’un vieil hôtel pension de famille aux parfums d’avant, un torrent qui coule au fond d’un jardin, une église aux secrets bien gardés et quelque part un peu plus loin, une centrale. Celle qui questionne en filigrane notre part au monde, à l’environnement, la jeunesse en exode, la force de la nature, de son écosystème, ce que nous voulons en faire. Equilibre précaire, équilibre ou perte.
Zoé Cosson écrit comme une brodeuse, une conteuse. Entre silence et réflexion sur un village endormi, hibernant dans son regard passé où l’industrie tente de fourvoyer l’équilibre précaire et la vie qui bat. Un paysage, un pays, des hommes, des femmes, le sentiment que tout est là et nul part ailleurs. Entre l'abandon et la force. Une écriture ciselée, poétique, silencieuse et d’une beauté indéniable, rare où demeurent ceux qui y vivent, vivent de rien, vivent de tout. Tout en nuance, délicatesse, érosion. Des fragments que tout à chacun dépose au fond de la vallée, de son pays, de ses racines inébranlables.
Un monde en déséquilibre constant, entre une impatiente modernité et un village, métaphore d'un monde qui se bat pour garder son pouls, sa vie, sa montagne, son histoire.
« Je suis l’archéologue d’un passé soufflé. »
Aulus fait parti de la sélection 2022 des 68 premières fois.
Comments