« Je ne m’attendais pas à ce que Mademoiselle Sophie soit vraiment quelqu’un. Pour moi, les profs, c’étaient juste des gens qui parlent devant une classe et remettent des bulletins. Qui est mademoiselle Sophie derrière les dictées et les sourires ? Je vais devoir observer toutes les nuances pour voir derrière les apparences. »
Romain a 11 ans, toutes ses dents et pas encore d’acné. L'année prochaine, c’est le passage en sixième. Et juste ça, ça lui fout les chocottes !! Grandir ? Quelle drôle d’idée ! Alors en attendant de devoir traverser la route pour partir à la recherche d’un nouveau territoire, Romain profite avant que ce truc bizarre appelé adolescence s’empare du corps et de l’esprit, le transforme en tout jamais en ado incompris. Et puis il faut le dire, il profite aussi et surtout de Mademoiselle Sophie, professeur des Ecoles, de son état. Mademoiselle Sophie, c’est sa maitresse préférée. Et malgré sa ressemblance avec un hippopotame, Romain, jeune lion, la kiffe sévère. Oui mais voilà, Mademoiselle Sophie n’a pas l’air dans son assiette depuis le retour des vacances. On dirait même qu’elle a tendance à vouloir s’effacer alors qu’elle prend de plus en plus de place. Que se passe-t-il ? Pourquoi tant de changement physique et psychique ? C’est quoi ce corps et cette tête qui ne répond plus à la bienveillance, à la bonté et l’estime ? C’est quoi ces absences et cet air fatigué, désorienté ? Tel un super héros au genou mou, Romain mène l’enquête !
Le duo Zabus et Hippolyte est tout simplement une délicatesse poétique infinie décrivant un monde pas toujours bienveillant et même cruel. Il y a chez eux, l’univers du conte, de la fable, ce petit quelque chose qui nous amène à pousser la réflexion au-delà de l’apparence, au-delà du destin. Il y a une grande tendresse, une finesse d’esprit et du crayon, de la générosité et surtout de l’humanité.
Parce que oui Mademoiselle Sophie n’est pas qu’une simple fable. Mademoiselle Sophie est une question de symbiose, d’entraide et de volonté d’aimer entre deux êtres aussi dissemblables que complémentaires. Il y a le jeune lion qui ne sait pas encore que l’adolescence approche à grands pas mais qui sent déjà le vent de la révolte et de la condition humaine se profiler. Et puis il y a Mademoiselle Sophie, une femme ne correspondant aux canons de beauté édictés par la bonne société : « Oh miroir mon bon miroir, dis moi qui est la plus belle ? ». C’est tout cette délicatesse, ce jeu du jeune lion et de l’hippopotame qui est décrit.
Par le graphisme d’une grande poésie, on entre dans la finesse de l’esprit, les questionnements, les doutes et la sensibilité des êtres. Les couleurs, le graphisme rebondissent sur le scénario un brin humoristique, un brin sensible, un brin mélancolique, amer de la vie, de l’adolescence à l’âge adulte. La fragilité des êtres, l’entraide, l’humanité deviennent les « armes » essentielles pour vaincre la cupidité, l’estime de soi désabusé, le manque d’amour ou de clairvoyance.
Mademoiselle Sophie ou la fable du lion et de l’hippopotame est une pure merveille qui fait un bien fou. Un bien fou dans ce monde qui décidément, est fou de lui-même, fou de ne pas, plus savoir où se niche la vérité, la bonté, la sensibilité des êtres. Une jolie leçon, une jolie fable sur l’entraide et la solidarité, sur les vengeurs masqués, les gars lâches, mous du genou, les gars qui ne disent rien, les mecs qui baissent la tête, les nuls, les pauvre types et les femmes qui ne ressemblent pas aux photos dénichées sur les réseaux émerveillés.
« C’est beau quand les gens sont plus grands qu’eux-mêmes. »
Mademoiselle Sophie
Ou la fable du lion et de l’hippopotame
Zabus et Hippolyte
Dargaud
