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Vincent Villeminot - Fais de moi la colère

Dernière mise à jour : 17 avr. 2019


« Ici il y a des chiens, des vrais, des chiens resplendissants. »

Je ne sais jamais comment livrer mes mots quand un roman est si fort, terriblement déroutant et beau. Je ne sais jamais comment parler d’un livre qui ne se raconte pas mais se vit, ressurgit et résiste aux lectures suivantes, futures. Il faut de la puissance et de la douceur pour en parler, une admiration qui surgit alors que l’on ne l’attendait pas. Il faut du sauvage, du déstabilisant pour nous emmener ailleurs dans nos habitudes, nous couler puis nous relever par la féérie de l’écriture, la langue, la poésie des mots et des images. Il faut oui ce truc qui s’appelle la littérature, sa force et son pouvoir, sa puissance et sa tendresse.

J’ai lu, pour la première fois, « fais de moi la colère », il y a plus de deux mois et ce roman est toujours en moi, dans cette incapacité de pouvoir écrire dessus malgré ma relecture la semaine dernière. Impossible de décrire cette histoire, de narrer cette odyssée Moby-Dickienne, cette insatiable guerre des profondeurs d’une fosse franco-suisse, d’un lac Léman emplit d’une beauté sauvage, d’un enfer hallucinant et pourtant miraculeux, une rencontre gorgée d’amour et de folies humaines.

Parler de « fais de moi la colère » est narrer ses émotions, exprimer ce qui ne s’exprime pas mais se ressent au plus profond de soi, secoue, fait ressurgir de multiples images et conflits, amours et douceurs, désirs et beautés sauvages quasi primaires. C’est indéniablement un roman qui se vit dans sa chair, ses entrailles, engloutit et relève, farfouille et donne à apercevoir la folie humaine, la quête des sens, de l’humanité. Il nous happe, nous emporte loin des rivages, de nos rivages, vers des fosses inexplorées, là où la bête, la sauvagerie, sommeille en nous, en l’homme. Il est un Léviathan, un monstre marin dont on ne connait la tête, sa monstruosité et qui surgit des enfers, se révoltant contre l’homme et sa quête absolue de convoiter les biens, l’orgueil.


« Sommes-nous tous ainsi, habités par des monstres ? Sommes-nous encore des hommes et des femmes ? Sommes nous pires que cela ou simplement cela ? »


Mais ce qui fait la force et l’attractivité insondable de ce roman, est la beauté de l’écriture, ce tour de poésie qui marque chaque page, donne cette envie d’écrire chaque phrase dans un carnet et de le refermer pour le relire quelques temps après, voir ressurgir la tendresse qui se glisse entre les mots, l’amour et la douceur, le feu et l’eau, la sauvagerie et la délicatesse. C’est une insatiable narration, un mythe moderne emplit d’une poésie qui ne dit pas mais se lit, se relit, se glisse dans les méandres d’un chuchotement et éclabousse, explose par sa prose, sa langue, ses éclats. Vincent Villeminot ose où personne ne s’aventure, où personne n’ose glisser et donner du sens, un sens.

Il y a du sublime, un lyrisme fulgurant, une ode à ce quelque chose que l’on n’arrive pas à nommer et qui hante longtemps la lecture. Il y a comme un univers emplit de merveilleux, de chimères, de monstres humains, une colère? un désir gonflant les entrailles, donnant la vie. (Et relire ce chapitre 4, 5 , 10 fois , les pages 129-130-131)


« Je te désire. Te veux. Je pourrais te piller. Etre ton souverain, exercer un empire sur ton corps et ton âme, tout prendre, ne rien laisser, derrière moi. Des outrages. Que tu ne restes intacte pour aucun des suivants. C’est cela ? » « Peut-on aimer ainsi ? Dès le premier regard ? Reconnaitre une âme sœur ? Non c’est la peau, d’abord, l’appétit. Ou une épiphanie. Peut-on aimer un jour ? Sans ravages ? Sans appétit féroces ? »


Fais de moi la colère… Un roman qui me hantera longtemps, qui restera ce quelque chose dont on ne sait écrire, parler, nommer mais qui se lit, se vit par tous ses sens, se ressent comme on peut ressentir cette colère impérieuse, nécessaire qui redonne vie. Un roman qui ne peut laisser insensible, qui fait qu’on s’y noie et/ou on réapprend à affronter la vie, ses désirs, sa révolte et sa douceur, son amour.


Un roman comme un baptême, une renaissance, une révélation. Un roman vénéneux comme peut l’être la vie.

« Je ne savais pas qu’on pouvait se perdre. Soi-même. » « La joie ne creuse rien, elle dilate : elle est contrepoison.»

A lire la chronique de Charlotte. « Fais de moi la colère » de Vincent Villeminot fait parti de la sélection des 68 premières fois, éditions 2018. A retrouver sur le site, toutes les chroniques des éditions passées, en cours ainsi que les diverses opérations menées.



Fais de moi la colère Vincent Villeminot Les Escales




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