« Mon chagrin a duré deux ans. Pendant deux ans, mentalement, j’ai tout daté, même l’achat d’un livre, selon la distance le séparant de la mort de Shiva. »
« Comment est ta peine…. la mienne est comme ça » … comme un dernier soupir avant la fin, avant de tourner une page, avant de trouver une dernière lumière après le saut final. Le chagrin comme une cicatrice béante qui orne le corps, le cœur, rappelle les vides et les absences, l’inexistence, les inconforts et les passages impossibles à échapper. Le chagrin, l’inexorable ami des jours de peine, des jours de deuils, du ruissellement sur les joues et le temps. Le chagrin, l’affectueux et ravageur de cœur, le complice de la mélancolie et de la nostalgie. Le chagrin, ce crachin qui extirpe les peines et les douleurs.
« Comment est ta peine… »
Là où il y a chagrin, il y a une intimité propre qui se fissure et offre la tendresse, le droit à la consolation, à se délester de ce qui encombre telle une pause que l’on s’offre, offre à la souffrance, à la mélancolie. La légende affirme qu’il faut passer par le chagrin pour faire son deuil, d’autres diront le contraire, qu’il faut s’armer de courage face au deuil. Etrange est le chagrin, étrange est la façon dont chacun fait son deuil, dont chacun gère sa peine, dont chacun fait face à la puissance de ses émotions et sentiments. L’amour et la mort.
«Nous n'en avons jamais fini avec le chagrin. Il fait partie du tissu de la vie. Il attend toujours de nous tomber dessus. L'amour rend les souvenirs et l'existence précieux ; le chagrin qui nous envahit est à la mesure de cet amour et il est impossible d'y échapper. »
Il est surprenant de lire la beauté douce et consolatrice de ce petit livre récit de V.S Napaul, d’entrer dans les mots où la mort rode et exprime la vie, la maladresse et l’œuvre du temps dans l’accomplissement et l’accompagnement des deuils de vie, des moments où la vie semble inexorablement sur une pente tangente, déséquilibrée. Le chagrin comme une humeur, une porte ouverte à la tendresse qu’on s’offre, au regain d’une vie autre, sobre et lumineuse. Quiconque semble y échapper, comme une porte ouverte à soi et à l’acceptation de notre personnalité, de nos errances mélancoliques, de nos chemins déroutés.
Etrange est le chagrin.
Etrange est la vie.
Etrange est sa beauté.
« Le chagrin a ses exigences propres. Nous ne pouvons jamais dire d’avance pour qui nous aurons du chagrin. »
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