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Photo du rédacteurSabine

Timothé Le Boucher - Ces jours qui disparaissent



Lupin, artiste d’un théâtre-cirque, funambule acrobate de son état. Lupin, une vingtaine d’années, aime vivre au jour le jour sans se poser de question, en faisant acte de chaque instant comme un cadeau de la vie. Acrobate du spectaculaire, improvisation calculée pour ne pas risquer ou tomber du support, du fil qui le relie à la terre, au ciel, Lupin est un homme que l’on a juste envie d’aimer pour ce qu’il est. Sa simplicité et sa bonne humeur, sa jovialité.

Au cours d’un tour, Lupin chute. Quelques instants, non pas d’inattention, le tour est tellement millimétré et Lupin professionnel dans ses gestes qu’il ne peut y avoir la moindre suspicion d’une erreur, mais d’une suspension mal raccordée et sa tête heurte le sol. Rien de grave dans l’immédiat. Notre acrobate se relève d’une pirouette sous les yeux inquiets et médusés de ses amis.


« J’ai juste perdu un bon paquet de neurones »


Le lendemain, lupin se réveille et court pour embaucher dans le supermarché du coin. Boulot purement alimentaire mais nécessaire pour survivre et manger. Seulement le lendemain n’est pas le lendemain. Le lendemain est deux jours après. Et au fur et à mesure, les jours, les absences vont s’espacer en laissant place à un nouveau Lupin. Un autre Lupin qui prend les apparences, les allures, la vie du véritable Lupin. Un Lupin complètement éloigné du Lupin d’origine, sa face maléfique, la face opposée. Un Lupin qui va vivre la vie du vrai Lupin, prendre possession de son existence. Sa doublure.


« J’ai l’impression de disparaître. »

Je n’ai jamais été fan de science fiction ou de récits futuristes. A part Barjavel, je suis souvent passée à coté de textes ou récits qui nous emmènent vers un monde inconnu, une histoire qui sortirait d’un univers construit, fantastique.

Sauf que là…, je me suis fait avoir.

Timothé Le Boucher a construit une bande dessinée qui nous agrippe, ne nous lâche pas, nous rend addictif à son récit. Qui est cet être, ce Lupin qui prend les rênes de la vie, comment cela est-il possible, que se passe-t-il lorsque nous dormons, notre âme maléfique en profite-t-elle pour nous jouer des tours, nous punir de l’avoir sacrifiée, rendu invisible ? Si loin de nous, si loin de ce qu’on est. Et pourtant si proche de ce qui pourrait finalement peut-être, pourquoi pas, être vrai. Comment ne pas perdre la tête, se laisser séduire par cet être qui prend possession de la vie de Lupin, joue avec lui comme il joue avec ses amis, sa famille, ses amours. Prendre possession et révéler sa véritable personnalité au risque de tout détruire.

Je me suis tellement fait avoir par le récit que j’ai eu besoin de le relire, de revenir au première planche pour comprendre la construction, le cheminement de cet esprit, de mener l’enquête sur les amnésies de plus en plus importantes de notre acrobate. Et j’aurai dû me douter qu’il apparaissait dès les premières cases dans son costume aux couleurs sombres, sans visage, entre comédien attendant son heure et compagnon de scène. Tout était là. Celui qui attend son heure de gloire. Celui qui espère et punie l’autre de ne pas l’avoir laissé revêtir plus tôt son costume de vie.

J’ai été estomaqué par ce scénario complètement addictif, totalement et incroyablement bien mené. Nul temps mort, tout s’imbrique, case par case, personnage par personnage. Au fur et mesure, on se laisse submerger, prise entre les filets démoniaques de cet autre Lupin maléfique et fantastique.

Et même si le dessin peut sembler d’un prime abord assez basique, une ligne droite, des aplats et couleurs assez basiques, le scénario est tellement bien ficelé que l’on suit, se laisse embarquer par l’histoire puissante et novatrice de l’auteur. Avec ce quelque chose de démoniaque qui traine, ne nous laisse aucun répit et nous fait poser des questions sur nos absences, notre identité, nos doubles qui surgissent à l’improviste et nous transforment en acteur de notre propre vie, notre corps.


Envoutant et traumatisant.


« Notre corps est fragile et je n’ai plus rien à perdre si le phénomène perdure »

Les BD de la semaine sont à retrouver chez Noukette.


Ces jours qui disparaissent Timothé Le Boucher Glénat

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