« Moi je suis un paysan, pas un épicier. Je sème je récolte, et ente les deux je prends soin de ce que j’ai planté. »
Thomas Vinau est toujours un peu à part dans ma bibliothèque. Il est celui qui me parle, parle à ma poésie pas droite, à mes épines, mes ronces, à mes genoux cagneux et mon corps désarticulé, à mes doigts tordus, mes idées rêveuses et fatiguées, à mes tartines de beurre retournées sur le plancher, à mon regard qui ne voit que la beauté dans les endroits où plus personne ne la regarde. J’aurais pu me contenter de lire son dernier livre comme je lis ses autres recueils de poésies : avec délectation et onctuosité, gourmandise et ce petit côté mélancolique et bancale qui sied si bien au poète contemporain un brin rêveur, un brin perdant magnifique.
Thomas Vinau et sa prose de rien, sa main ouverte comme une paume accueillant un oiseau aux ailes cassées, un je t’aime répété comme on sème des graines pour mieux les récolter, un feu qu’on allume pour se réchauffer, se rappeler, vivre encore dans la passion et le luxe de la pauvreté du tout et du rien, un goût impossible à combler comme on ne peut combler les vides et les pleins.
Thomas Vinau et sa veine du roots, des racines poussant aux pieds, la tête dans les nuages, la mémoire perdue au gré des vents et des averses, la mélancolie en bandoulière, la nostalgie en sac à dos, la beauté d’un matin la main dans la main, le sourire timide comme réveil.
Il n’y a rien dans sa prose qui imposerait des vers ou des rimes. Il n’y a que la vie, la vie des jours et des nuits qui passent comme elles peuvent, comme elles triment dans un quotidien bancal et banal. Rien de lumineux ni de noir. Une aurore, un crépuscule, un soleil levant, une étoile filante, un brin de poésie et un bruit de café sifflotant sur une gazinière.
Il n’y a rien et pourtant il y a tout.
Tout ce qui est rien et qui est tout.
La beauté d’un instant, une éclipse de lune, un mot qui n’est pas le bon, un cœur bleu, un brouillard dans lequel on y verrait plus clair, un moment, une lumière des saisons, un effleurement d’épaule, une caresse limpide d’eau fraiche. Il n’y a rien ou du moins il y a la poésie des miracles, la poésie de la vie Et ce n’est pas rien d’écrire une prose de rien. C’est joli, c’est doux, c’est la juste quantité qu’il faut pour aimer encore plus, se poser, se reposer au milieu des ronces et des épines, arrêter la course d’un temps où on ne sait plus trop où et comment se tenir debout, respirer.
Thomas Vinau c’est le luxe de lire la poésie et de contempler tendrement les riens qui sont tout. Un tout. Le tout. Posé là dans la main. Comme un lundi et un bleu de travail, comme un monstre et un beau jour pour ne pas mourir, comme le noir dedans et un monde mal foutu. Un vivement pas demain avec des petites proses posées dans la main.
« Ce goût qu'il reste à la fin. Je vis dans ce goût qu'il reste à la fin. Je veux le garder longtemps. J'y habite. J'y écris. »
Comments