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Photo du rédacteurSabine

Thomas Giraud - Avec Bas Jan Ader



« Ce qui comptent c’est de montrer comment quelqu’un tombe, la manière dont on passe du déséquilibre au basculement, ces quelques grammes qui équilibraient tout le corps sur une ligne très fine et entrainent, t’entrainent vers le sol. C’est ce qui est beau, cette chose à peine saisissable tant il est question de fragments de seconde dans ce mouvement vers l’eau ou vers le sol dans le regard de tous ; ce qui ne laisse aucune trace sinon un peu d’air frotté, touché, modifié par le chemin de la chute et des intuitions de chacun. »

Lire Thomas Giraud, c’est entrer dans la grâce d‘une écriture d’une discrète et mélancolique lumineuse beauté. Une écriture qui dit l’art d’un monde, ses nuances, ses chutes et ses feux, ses espaces et ses réduits, ses élévations et ses doutes, ses peurs et ses espoirs. Il y a peu d’auteurs qui me procurent autant d’infinies douceurs criantes que Thomas Giraud, peu de cette grandeur d’âme, de cette touche d’une poésie nécessaire à faire briller un monde, lui rendre sa beauté, sa grâce, les errances d’une vie, de l’art d’un monde comme d’autres écrivent la passion, l’amour, les désirs.


Il faut lire Thomas Giraud, lire tous ses romans, de son premier à celui-ci. Il faut entendre les silences, sa musique, son temps. L’entendre comme on peindrait une toile dans les tons et la modernité d’une langue délicate, appliquée, littéraire certains vous diront, mais tout simplement poétique, extrêmement belle, quasi sensuelle, se jouant des faux semblants et des courants contraires, des peintres avant-gardistes, des cowboys aux pieds d’argiles. Il faut lire Thomas Giraud pour son infinie tendresse à déposer des mots sur ceux qu’il rencontre, aime. Pour ces personnages dont il écrit leurs portraits comme on prendrait en photo de ceux qu’on aime, chérit. Il faut le lire pour ces êtres de pas grand-chose, des artistes paumés, des héros de rien, des maitres des doutes. Des hommes cherchant leur place, touchant leurs rêves, se brulant, se noyant. Des humains. L’humain, celui qui sous sa plume, se déshabille, enlève son armure, rend la vie pour en chercher une autre. Devient.


« On peut avoir des remords mais pas des regrets. »

Thierry Metz nous parlait d’un homme qui penche, Yves Klein se jetait dans le vide. Thomas Giraud nous emmène auprès d’un homme qui chute, tombe, s’élance et tente, dans une grâce infinie, de jouer avec les lois de l’apesanteur, de faire de ces chutes, une construction abstraite, surréaliste, un instant en suspens, une infinie beauté. L’art de la chute comme l’art de la fugue. L’art de sa matière, construire sa vie. Chuter et vivre.


Il y a cette mélodie dans Avec Bas Jan Ader. La chute, une création, le symbole d’une vie, une clé de voute d’un homme qui n’en finit pas de déconstruire la chute. Une chorégraphie poétique, un hommage à ceux qui ont chuté, sont tombés face à un monde où leur droiture ne correspondait pas. Jouer avec son propre corps, sa propre disparition, sa propre chute. Bas Jan Ader, un artiste anticonformiste, abstrait, un héros sans aile ni parachute. Une vie faite de virages et de ruisseaux, de pavés, de tapis de feuilles mortes, de souvenirs fantômes. Un homme suspendu entre deux temps, deux lieux, entre un océan et une terre, une coque de bateau et un vélo. Un abandon à lui-même, un lâcher-prise à ce qui le retenait, aux doutes et aux conflits, à l‘absurdité même de la vie, aux inquiétudes. L’errance d’une chute, l’art d’un vol.


Avec Bas Jan Ader, Thomas Giraud nous emmène au-delà de l’océan et d’une terre. Il nous emmène dans l’errance d’une disparition, d’une vie entre deux rives, entre deux mondes. Entre deux rythmes, deux suspensions. Et c’est troublant de beauté, d’une poésie délicate et infinie. Un hymne à l’art de la chute.


A ceux qui tombent. Tomberont. Sont tombés.


« Et puis à un moment donné, il fallait le faire. A l’eau, dans le vide, peu importe mais se jeter sinon on finirait par s’habituer à tout de soi-même. »



Avec Bas Jan Ader

Thomas Giraud

La Contre Allée




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