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  • Photo du rédacteurSabine

Thimothée de Fombelle - Neverland


« Il y a dans les hauts territoires de l’enfance, derrière les torrents, les ronces, les forêts, après les granges brûlantes et les longs couloirs de parquet, certains chemins qui s’aventurent plus loin verse le bord du royaume, longent les falaises ou le grillage et laissent voir une plaine tout en bas, c’est le pays des lendemains : le pays adulte. »

La rencontre aurait très bien pu ne pas avoir lieu. J’aurais pu ne pas retrouver mon âme d’enfant et laisser de côté ce pays que l’on s’empresse d’oublier une fois adulte. J’aurai pu ne pas rechausser mon habit de princesse ou de chevalier, oublier les jeux dans les bois, les lectures sous les couvertures à l’heure du sommeil. J’aurai pu laisser dans la malle les souvenirs, les sourires et les béquilles qui m’ont aidé à grandir, à comprendre, à devenir. J’aurai pu oublier d’où je viens, qui je suis, quelles sont mes racines, mes pays de cœur et d’âme. J’aurai pu ne jamais me rappeler de Neverland, « ces hauts territoires perdus que nous portons tous en nous ».


« Je suis parti un matin d’hiver en chasse de l’enfance. Je ne l’ai dit à personne. J’avais décidé de la capturer entière et vivante. Je voulais la mettre à la lumière, la regarder, pouvoir en faire le tour. Je l’avais toujours sentie battre en moi, elle ne m’avait jamais quitté. […] Mais je ne voulais pas parler de mon enfance, je voulais parler l’enfance absolue, la source commune, l’eau violette des origines. […] et la montrer aux autres en écartant doucement les doigts. « Regarde elle est là. » »

Dès les premiers pages lues, Timothée De Fombelle m’a happée, une flèche de sioux dans le cœur, des baisers de chevalier qui ne demandaient qu’à réveiller la princesse qui sommeillait. Je sentais « la brûlure du dragon », je tremblais de froid comme lorsque je « chassais l’ours dans la neige ». Les mots dansaient devant mes yeux comme dans mes rêves de petite fille. Je retrouvais mon bric-à-brac, mes souvenirs, des photos polaroids, instamatic jaunis.

« Le caillou, lui était resté dans ma poche comme un porte-bonheur, petit souvenir de l’éternité. »

J’ai écrit des phrases, hérissé sur chaque page des sticks et mémos, surligné des mots, corné des feuilles. J’ai reconnu des chapitres, ces petits détails nostalgiques, amers, durs, chauds, vivants, remplis de soleil et de bonté. J’ai avalé des pots entiers de miel de tendresse, de douceur, de cette poésie que seuls les enfants qui ne grandissent pas sont capable d’écrire, cet émerveillement qui sommeille en nous et ne demande qu’à passer la tête par-dessus le mur de notre monde d’adultes. Puis j’ai levé la tête. J'ai vu au milieu de la nuit ceux que j’aime, ceux qui ont cette part d’enfance qui respire, expire, souffle, joue, entraîne. J’ai ouvert le pont-levis, laissé les portes dérobées se révéler, déclaré la guerre à mes frontières, mes peurs. 


Timothée de Fombelle a écrit sur cette part d’enfance, celle qui ne demande qu’à exister, à ne pas être oubliée, celle qui nous émeut, celle qui nous fait regarder nos enfants, celle qui nous fait aimer l'enfant qui dort en nous.


Un roman comme une vibration, une sonate, un conte, un pays où finalement nous retrouvons la carte et laissons nos trésors éclaircir notre cœur, nos raisons. Un roman comme un besoin vital, essentiel de savoir que quoi qu’il se passe, se passera, cette part d'enfance n’est jamais loin. Qu’il suffit de se retrouver face à un arbre, de l’entourer de toutes ses forces pour en ressentir cette étrange sensation d’être présent, un caillou dans sa poche comme porte-bonheur, les chaussures remplies de vent et le sourire de celle ou celui que nous étions au coin des lèvres.


« Je croise souvent des résurgences de ce temps dans ma vie. L’enfance affleure. Cela peut-être l’engourdissement d’une sieste, le goût des larmes. Il y a des petites incisions dans ma peau et j’y colle les lèvres. »« Je n’ai pas de mémoire, et pourtant, il y a un endroit où tout cela reste vivant. L’enfance n’habite pas la mémoire. Elle habite notre chair et nos os. Même abîmés par elle, dressés contre elle, nous sommes faits de notre enfance, adossés à ses murs sombres. Elle est tout ce qui reste à ceux dont on dit qu’ils n’en ont pas eu. »


Neverland

Thimothée de Fombelle

Folio

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