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  • Photo du rédacteurSabine

Séverine Vidal, Victor L. Pinel - Le plongeon




« J’aimerais que tu sois encore là Henri, que tu te perdes juste pour que je te retrouve. Je ne me fâcherais pas. Ta fugue serait pardonnée. J’enroulerais mes bras autour de tes épaules et je te dirais « viens ». Cinquante-huit ans avec toi, et puis ce vide après. On dirait que je sombre et que la chute est sans fin »

Elle, c’est Yvonne. 80 et quelques balais. A cet âge là, les seules choses qu’on compte, sont les heures qui s’égrènent sur la pendule. Les heures qui disent l’absence, la lenteur des choses, du temps, la solitude, le manque.

Alors pour contrer le blues, la vieillesse qui coure le long du corps, plisse les plis, déplie les rondeurs, fait glisser les larmes au coin des yeux si facilement mouillés, remettre de la lumière entre deux contrastes plus ternes, tenir quelques mois ou même une année, ne plus tomber dans le tourbillon du vide, Yvonne décide de quitter la demeure tant aimée pour ne pas se rapprocher trop vite de la mort, de cette mémoire qui tendance à flancher.


« Ma peur, c'est de perdre la mémoire, oublier tout, les prénoms, la vie d'avant. »

L’EHPAD. Abandonner les 20 années à l’ombre du tilleul, loin des souvenirs, des enfants nés, loin d’un monde où la vie était rires, joies, disputes, amours, orages et mains caressées caressantes. « Dis quand reviendras-tu ? ». L’EHPAD et la difficulté à s’habituer aux normes et ordres, à ne plus pouvoir rêver et tenter encore un peu de vivre, d’être libre. L’EHPAD et ses acolytes aux dents et mémoire perdues, aux cheveux blancs, aux personnels bienveillants, compatissants, ceux qui au contraire, ont cette fâcheuse tendance à faire rimer vieillesse et enfance. L’EHPAD et une dernière fois, une dernière virée, un dernier espace de liberté, de rêve, d’amour, de caresses, de tendresse. Une dernière avant le dernier plongeon. Une dernière fois aimer, s'aimer, rire, s'octroyer un bout de liberté.


« Je n'avais pas envie de sa peau sur la mienne. Ses mains, chaudes, sèches, sur mon cou, mes épaules, effleurant mes cheveux. Et puis la sensation m'a rattrapée. Je me suis souvenue de ce que c'est le mélange des peaux. »

Ecrire, dessiner une histoire sur la vieillesse en EHPAD, au moment où les vieux, nos aimés n’ont jamais eu autant cette image d’une mort qui rode, écrire sur ce dernier pas, cette dernière danse, ce dernier plongeon, cette dernière liberté avec tant d’émotions, de tendresse, de beauté … il fallait s’appeler Séverine Vidal et Victor L. Pinel, retrouver la grâce, la délicatesse, la douceur et leurs sensibilités.


Tout est émotion, intimité, vie dans un moment où celle-ci s’en va, tombe, se réceptionne, se blesse, vieillit. Le plongeon, le tourbillon des rêves abandonnés et de la liberté qui part. Le plongeon et l’envie d’y croire encore un peu, de sauter du haut du ponton et trouver des bras qui empêchent de couler.

Tout est beau, doux, sans mièvrerie ou ternie. Tout est délicat, les promesses comme les manques, la famille comme les résidents, les rires comme les larmes. Tout est juste, ce juste qui fait tant de bien, tant d’amour encore un peu.


L’émotion d’une vie avant le grand plongeon.

Emouvant.


Et se rappeler les albums de Zidrou, La maison de la plage ou encore Les petites marées.


« Je voudrais retomber en enfance, me cacher et crier que je suis là, quand tu passerais près de ma planque. »


Le plongeon

Séverine Vidal – Victor L Pinel

Grand Angle



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