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  • Photo du rédacteurSabine

Stéphanie Dupays - Un puma dans le coeur




« Je viens d’une famille qui n’a rien exprimé d’elle par l’écriture, dont les voix n’ont jamais porté loin et fort. Je suis devenue l’écrivain de ces mots longtemps accumulés et retenus de mon arbre généalogique, rompant avec le silence imposé par une condition sociale et une pudeur atavique. Je pensais être la première, la seule. Et d’un seul coup, je me découvre une ancêtre qui a écrit toute sa vie comme on crie dans le désert. […] Peut-être que le silence engendre le silence et qu’il faut du temps pour s’en extraire. »

Certains romans se lisent sans déflorer le secret, sa part mystérieuse, son silence. Un cheminement intime, une compréhension lente et longue de ce qui résonne mais ne se dit pas, une forme d’héritage comme une folie découverte, comme une faille, un tunnel de mots, de cris dans un désert familial, un vide administratif, une interrogation ancestrale.


Un puma dans le cœur est un roman sur les secrets de famille, les fantômes qui ornent nos vies, décorent de leur part mystérieuse leurs folies, nos chemins parallèles. D’un récit intime, Stéphanie Dupays en fait une fiction, un roman où la narration prend le chemin du mystère familial, des asiles psychiatriques, des hôpitaux pour fous. Mais qu’est ce que la folie quand on ne sait qui est fou ? Qu’est ce que la folie quand résonne dans le vide, les mots, les lettres, les cris d’une femme réduite au silence, à l’invisible, la disparition aux yeux de tous. Que dire des mots qui sonnent dans le vide. Supporter sa vie, c’est supporter un monde réduit dépeint de récits furieux et colériques, disparus et fantasmés. La folie, la psychiatrie et l’univers d’un siècle où celle-ci était faite pour emprisonner, cacher, taire. Disparaitre. A jamais.


« Chacun s’arrange comme il peut avec sa souffrance. »

Il y a dans l’écriture de Stéphanie, une forme d’enquête qui donne l’haleine à ce récit, en fait son histoire. Elle y dépeint sa recherche sur la psychiatrie au début du vingtième siècle et en déroule son fil narratif. On entre avec elle, dans les méandres du secret, de l’administration et des quarante années cachées. Qui était cette aïeule morte de chagrin, cette légende familiale entourant son arrière grand-mère, une femme au puma dans le cœur, au vacillement d’une vie de cris et de sueur ? Qui était Anne Décimus, la fille du soleil ?


D’une écriture teintée de réflexions sur les secrets officiels et administratifs, sur la ligne de crête qu’est la folie, Stéphanie Dupays en fait une boite gigogne qu’elle ouvre, découvre, récit d’une douce beauté, d’une solarité exemplaire. Le puma se déchaine mais pour vivre, renaitre, donner chair et vie à cette ancêtre disparue sans trace ni sépulture. Elle signe d’une poésie douce, évoquant les empreintes suggérées, quelques traces signées, des mots comme pour apprivoiser une femme fantasmée, inconnue, un fantôme pour la rendre vivante, en faire « quelque chose », lui « rendre hommage,[la] relier à l’histoire et [la] remettre à [sa]place. Pour que nos mains cessent de trembler. »


Et c’est beau.

Lumineusement beau.


« Ecrire c’est : la seule manière de regarder la réalité sans qu’elle s’abatte sur moi comme une maison en flammes la seule manière de retrouver ce qui est perdu dans les décombres. »

Un puma dans le cœur

Stéphanie Dupays

Les Editions de L’Olivier

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