« Lorsque mon désespoir me dit : Perds confiance, car chaque jour n’est qu’une trêve entre deux nuits, la fausse consolation me crie : Espère, car chaque nuit n’est qu’une trêve entre deux jours. »
Pas facile de vous parler de ce texte de 11 pages exactement datant de 1952 et écrit par un des plus grands génies suédois qui s'est donné la mort. Pas facile de vous parler d’un homme qui s’est battu contre lui-même, contre ses fantômes, contre son inconsolable envie d’être consolé, de goûter à la vie quand celle-ci le fuyait ou que lui-même la fuyait. Dur combat que celui de ses obsessions, dur combat celui que l’on mène contre soi, contre ses peurs, ses craintes, ses désespoirs. Pas facile de vous parler de ce petit texte d’un homme qui n’aspirait qu’à une chose : vivre, idéaliser la vie, vouloir cette justice de vie, cette beauté de la vie, cet équilibre précaire de nos pas sur Terre.
Vivre, oui, mais humainement. Vivre oui ! Mais sans oublier ses prochains, sans oublier d’ouvrir son cœur, de ne plus être ce ver de terre qui officine sur la planète ou mouton dans le groupe. Vivre oui et pouvoir être consolé.
« Je peux remplir toutes mes pages blanches avec les plus belles combinaisons de mots que puisse imaginer mon cerveau. Etant donné que je cherche à m’assurer que ma vie n’est pas absurde et que je ne suis pas seul sur la terre, je rassemble tous ces mots en un livre et je l’offre au monde. »
Ce besoin essentiel, vital, cet acte qui fait de nous des humains et non des hommes. Révolté, humaniste, lucide, d’un idéal fraternel, fiévreux, insolent, fébrile, sensible, poétique, insatiable, Stig Dagerman nous emmène dans les recoins de sa tristesse, mélancolie, dans la beauté de ses écrits, dans ce besoin d’amour, de silence face à son désarroi, son besoin insatiable d’être aimé, de faire face à un monde qui exige des performances et un individualisme exacerbé.
11 pages seulement mais 11 pages puissantes qui recèlent tous les mots que nous puissions dire, écrire, clamer sur « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. ». Epuré, puissant, poétique, lucide, fort… une pierre précieuse taillée dans le plus beau des diamants.
Un écrit philosophique, psychologique sur cette mélancolie, cet amour de la littérature, des lettres, sur l’impossibilité d’être heureux et la force de vivre. Détresse absolue et pourtant puissamment vivante, terrifiante de beauté, insatiable de lucidité et d'envie.
« Vis simplement, prends ce que tu désires et n’aie pas peur des lois. […] Tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté »
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