« Sur la première ligne du cahier bleu dans lequel j’ai pris des notes tout au long de l’écriture de ce texte, j’ai inscrit Pourquoi écrire sur le divorce de mes parents ? Puis juste en dessous, Rien ne sera jamais réparé. L’essentiel s’est joué en dehors de moi, même si, enfant tant désirée, tant aimée, j’ai toujours eu l’impression d’être au centre. Quelque chose m’a échappé. Mais je suis le fruit de leur rencontre et celui de leur séparation, je suis le fruit de cette histoire, la leur. Aujourd’hui, au bas de la page, j’ai ajouté Pour les réunir. »
Il y a quelque chose que j’aime profondément chez Sophie Lemp, quelque chose qui se lit en filagramme, qui se délie derrière un paravent, à l’ombre des platanes, dans le silence d’un matin qui se lève. Il y a le charme, la tendresse, la douceur de ce qui ne dit pas ou alors tout doucement, sans faire de bruit ni d’esclandre. Il y a la pudeur, les petits détails, les mots, les écrits, les carnets, la vie, celle de tous les jours, sans tambour ni trompette, la mélancolie de l’automne, la joie de l’été, la délicate renaissance du printemps, et la lumière tamisée de l’hiver. Il y a la force des tempêtes, les drames des tous petits riens qui laissent pourtant des marques, des cicatrices à vie. Il y a ce fil de vie qui fluctue, bouge au gré des vents, du temps, des âges.
Et il y a au-delà de tout une tendresse folle, une tendresse qui donne envie de se glisser dans ces/ses mots, s’en faire une couverture, de coudre point après point les cicatrices qui sont nôtres.
« Mon enfance m’apparait comme scindée en deux. Pourtant, une séparation n’est pas une mort brutale. »
Leur séparation n’échappe pas à la règle de son récit personnel. Mais au-delà de son histoire, Sophie Lemp dresse le portrait d’une enfance en partie brisée par le divorce de ses parents. Il n’y a nul pathos, juste un constat, une déchirure, celle dont elle apprendra qu’il faut grandir avec, devenir celle qu’elle est. Elle ne cherche pas à écrire sur le drame, à être au plus près de ce qui a eu lieu mais de ce qu’elle a vécu : leur séparation.
« Dans ma mémoire, la séparation est ma première douleur, comme si tout ce qui s’était passé avant avait été joyeux. »
L’enfance nous revient, sa dureté à se voir confronter à faire des choix de vie, la culpabilité naissante d’être au cœur d’une histoire, d’un conflit, la peur de blesser, de trahir, de choisir. Un monde qui s’écroule. Il y a la mélancolie d’un drame familial et au-delà il y a la beauté de cette petite fille qui aime mais ne sait pas le dire. Il y a l’absence et l’apprentissage du deuil de parents aimés, d’un passé partagé, la force et les repères de l‘enfance.
Avançant dans l’absence de l’autre, construisant sa vie avec cette impression de marcher avec des béquilles, d’être une funambule, Sophie Lemp dresse un récit d’une justesse et délicate écriture. Une écriture et un récit qui devient un point d’ancrage, un fil, un silence et l’envie de continuer à suivre son parcours, ses chemins, écouter ses mots chanter tendrement au loin sur une plage normande.
« Il y a toujours une part de moi près de celui avec lequel je ne suis pas. »
« Chacun souffre seul, mais nous étions tout près l’une de l’autre »
A relire aussi Le fil, son premier roman.
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