« Il y a quelques mois, quand Suzanne avait relu des extraits de son journal, elle était restée à distance, effrayée par ce qu'elle avait écrit et par ce qu'elle avait vécu, comme si cette incursion dans le passé pouvait mettre en danger son présent. Rapidement, elle avait interrompu sa lecture et décidé d'enfermer ses cahiers. [...] Ce matin, elle a d'abord craint d'éprouver la même sensation, un malaise, un abandon. Mais en écrivant ce jour de février, ses pieds glacés, la peau d'Antoine, l'odeur du thé fumé, la fraicheur de l'air, le bruit dans le café, elle a su qu'elle ne trahissait rien, que son présent n'existerait pas sans ce passé-là.»
Chère Sophie,
J’aurais aimé pouvoir parler de ton (on ne va pas se mentir, le vous serait de trop) livre, de ton histoire sans y laisser de cette sensibilité, le trac à la lecture d'un roman ami. Le tien, tes mots, Martin et Suzanne, les carnets volés, ces mêmes qui l'espace d'un instant donnent naissance et vie.
A la lecture les miroirs de Suzanne, ton roman est devenu un reflet où tes mots se sont superposés aux miens, où la qualité et la douceur de ta plume ont tendrement arrondi les étapes de ma lecture. J’ai ressenti le délice de ta délicatesse, ta bienveillance, ces doutes (ces gens qui trop écoutent leur cœur se balancer) qui deviennent les nôtres, le manque de confiance nous empêchant de trouver notre place, nous obligeant à développer d’autres forces, ce lien qui nous maintient en vie et nous fait bomber le torse, la poitrine, nous fait sourire, rire, rendre heureux. .
Tu m’avais surprise par la qualité de ton écriture dès ton premier roman, le fil, (relu dans ton second, Leur séparation), cette tendre sensibilité qui orne ta plume, fait de tes écrits, cette pièce de puzzle qui nous manque, cette part intime qui nous ressemble, un jardin secret. Sans précipitation ou éclat. A sa juste valeur. Sa juste écriture. L'humain toujours. Tu m’avais surprise, conquise par le charme sincère de ton élégance discrète, cette pudeur qui se dessine, comme un rideau qu'on soulève, une fenêtre qu’on ouvre, un paravent qui nous cache et dont on fait tomber un par un chaque auvent.
« Se remettre en mouvement, voilà ce que va rendre possible l’écriture. Les questions et les craintes subsistent mais elles s’estompent devant ce qu’elle n’avait encore jamais éprouvé, la nécessité. »
Suzanne et Martin sont ce fil de vie, nous lie, construit, oblige à composer avec les étapes du temps. Un fil comme des souvenirs nous maintenant en vie et dont il faut accepter de les laisser vivre, d’être un passé qui nous relie au présent et nous tourne vers l'avenir. Des fils comme une écriture cousue, tissée, filée pour mieux construire ton récit, donner épaisseur et la mélodie. Une nécessité qui donne matière, existence, transmission, renaissance aux âmes et cœurs blessés.
« Il y a les souffrances qui sautent aux yeux, celles que l’on devine et celles que l’on côtoie sans les remarquer. Celles qui durent et celles qui finissent par s’estomper. Celles qui font vieillir et celles qui endurcissent. Celles que l’on expose et celles que l’on tait. »
J’ai eu un plaisir infini à retrouver tes mots, à découvrir ton histoire, découvrir l’histoire de Suzanne et de Martin, (Vincent, Claude, Alain et tous les autres), leurs vies, leurs regrets, leurs petites touches d'un quotidien qui des fois à du mal à trouver sa place, trouver son chemin, leurs regards et places dans ce monde, leur recherche de soi, d’être, de ce quelque chose qui germe en chacun de nous et dont on accepte de laisser croitre. J’ai savouré en douceur, la tendresse et la force qui se dégageait. Un plaisir sincère et pudique, délicat et tendre, une beauté dont on n'ose parler de peur qu’elle ne se sauve et qui pourtant donne toute sa place à la vie, à l’être. Des miroirs, des carnets, des écrits, des dessins comme pour s’affranchir et oser. Devenir.
J’ai aimé retrouver tes mots qui nous bercent, transportent, mettent le cœur en mouvement, remontent le mécanisme. Comme peut l'être l'écriture, tes écrits, Sophie, lorsque l’on referme la dernière page avec cette impression de tenir dans ses mains, un peu, beaucoup, énormément de ce beau, ce doux, ce délicat, une tendresse, un trésor, un fil. Nécessaire et équilibre. Ce qu'on appelle la vie.
Toi.
Moi.
Nous tous finalement.
« Dans les miroirs de Suzanne, une crainte toujours assombrissaient la joie. La peur de se tromper, de souffrir, de ne pas savoir, de regretter. Ce soir, elle remarque l'absence de voile sur son visage. L'écriture a débusqué la peur. »
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