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Sophie G. Lucas - Assommons les poètes

Dernière mise à jour : 12 juin 2022




« Et à part écrire, vous faites quoi dans la vie ? »

On le sait tous « les poètes, ça ne fiche pas grand-chose ». Ils vous racontent les heures qu’ils passent à tenter de trouver la rime, à ponctuer la bonne virgule qui accompagnerait la bourrasque de vent. Ils vous narrent qu’ils cherchent le mot juste, qu’ils écrivent au gré de leurs humeurs, de leurs ressentiments, de leurs vagabondages urbains, villageois, qu'ils travaillent dur, d’arrache-pied ou vers. Ils passe leur vie à réclamer, déclamer, exprimer, s’épandre, copier, recopier, écrire, gommer, raturer, recommencer, se croire au-dessus de la mélasse des écrivains notoires. A part cela, un poète ça ne fout rien. Il soupire, gribouille, jette du papier par terre, le ramasse pour en refaire une boulette, exulte sa rage.


Et le cas échéant, un poète ça poétise. Enfin je crois. En tout cas, ça fait vibrer, ça enfle, ça sert à ouvrir la boite à esprit, à entamer d’un coup de canif nos habitudes.


Bref un poète, ça sert à rien et ça sert à tout.


« L’art est simplement la preuve d’une vie pleinement vécu.»

Sophie G Lucas est poète. Une poétesse de l’ordinaire, du quotidien, de ces à-côtés que l’on ne voit pas, ne cite pas, de ces minuscules grains de poussière qui enrayent les machines, emprisonnent les mots pour mieux les relevés, les télescoper, leur rendre leurs libertés. Elle est témoin de son temps, du temps qui passe, ramasse, balaye, mord, égaie.

On se perd dans des lieux publics, des manifestations, des chapelles abandonnées, derrière de lourdes portes de centres pénitenciers. Elle trébuche, se fait mordre, entrevoit dans un filet les feuilles d’un carnet Moleskine signé Carver, Brautignan ou Bukowski. Elle repart vers le Sud après avoir conquis le Nord, l’Ouest, l’Est. Elle sillonne.


« Elle nous demande de parler de soi, de son écriture, de la poésie d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs, de l’avenir de la poésie, de si on pense que la poésie peut sauver le monde ».

La poésie, pour Sophie G. Lucas, fait tenir, sentir les expériences. Une poète qu’on assassine comme on assassine ceux qui qui poncent, qui rognent dans les ateliers d’écritures, ceux sont inventifs, créatifs, qui ne renoncent pas. Parce que lorsqu’on est poète, on est « poète tout le temps. » , même si le public ne répond pas présent, même si la poésie a cette image vieillotte, qu’elle désespère les jeunes, refroidit les plus vieux. La poésie n’est pas une performance.


Alors oui pour sauver le monde, faire aimer la poésie, Sophie G Lucas s’offre, interroge, dérange, bouscule, laisse le temps. Elle regarde, témoigne de la vie, soulève les draps, rogne les coins, adoucit les obscurs, alerte notre quotidien.


« La poésie sortait de ma bouche, la poésie débordait de mes mains, la poésie m’avait prise pour maison ».

Sophie G. Lucas a écrit un petit recueil à glisser dans sa poche, à sortir les jours de liesse et de gloire, les jours où l’on oublie ce qu’est être poète, à quoi sert la poésie. Comme une nécessité à témoigner, nous rappeler le vital, l’essentiel. Parce que la poésie moderne, contemporaine, est une vivante invisible dans le paysage littéraire, parce qu’elle est partout, parce qu’elle est une manière d’être présent au monde, de trouver ou non sa place, de rentrer en résistance. Et parce qu'avec Sophie G. Lucas, la poésie n'est pas un long fleuve tranquille. Elle interpelle et assomme quand c'est nécessaire la poésie pour en faire une banderole, une universalité.

Il faut du temps pour assumer la poésie, il faut du temps pour s’assumer poète. Il faut du temps pour dire que l’on aime la poésie et qu’elle nous est nécessaire tout comme l’est le roman, le récit, l’ouvrage littéraire. L’Art.


Assommons les poètes aurait dit Baudelaire. Assumons les poèmes nous dit Sophie G Lucas. Ecrire, faire écrire, éveiller, interroger, lire, résider, se déculpabiliser, ne plus se justifier. Etre poète.


« Parce qu’on aime la poésie. Parce qu’on voudrait qu’un large public lise de la poésie. Pour ce qu’elle apporte d’interrogations sur soi, sur le monde, sur l’autre, sur le langage. Parce qu’elle dérange, parce qu’elle bouscule, parce qu’elle fait mal, parce qu’elle fait du bien. Parce qu’elle rend le monde plus complexe que ce monde qu’on tente de nous vendre. Beaucoup de poètes se risquent à cela. A être souvent hors de soi. A s’arracher hors de soi… On ne joue pas de sa poésie. On la dit. On la vit. »

Assommons les poètes Sophie G Lucas La Contre Allée

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