« Il lui restait un mot. Il n’en reste plus rien. Ce que nous ressentons n’est inscrit nulle part. Et pourtant, les mots sont à sa portée. Tout près de sa bouche. Il lui faudrait se pencher vers eux. Les toucher vraiment, les nommer peut-être. »
Viriginia, Sylvia, Marina…. une chambre à soi. Une chambre et écrire, poser, puiser, déposer, refaire sans cesse, dans la pénombre de son être, de son errance. Se tenir au bord de ses gouffres, de ses vertiges et revenir à la tâche, s’atteler à l’atelier, à l’établi comme un évanouissement, une transparence, un effondrement, un effacement, un gouffre et une lumière, sa lumière. Equilibriste de passage, fugacité sensible, le fil d’un portrait en triptyque. Virginia Woolf, Sylvia Plath et Marina Tsvetaieva.
Un léger mieux.
Ce temps infime où tout pourrait basculer dans l’usure du temps, la pénombre, l’obscurité, dans le puisement infime de la vie, des mots qui retiennent. Une chambre à soi où s’abriter, crier, se nicher au creux de ce qu’il est possible d’être, poreuses aux autres, à soi, aux bruits du temps, au silence, à l’éloignement au monde. Une chambre comme issue de vie, d’un mur à franchir, obstacle invisible, une armure, un obstacle entre soi et soi, le monde, l’autour, perméable à la vacuité, à l’équilibre précaire déployé. Une chambre, pour combler le vide, les vides, les brûlures d’un feu, du feu, de ce qui n’est possible de partager, de laisser entrevoir. Une chambre pour écrire, s’écrire, écrire au monde, entrevoir le gel et les lueurs, les brasiers et les vertiges, les vacillements et les tenir droit. Un léger mieux.
« Elle a été arrachée à l’histoire. Elle n’est pas un littérateur. Elle est un être libre qui sait écrire. Là réside à force. C’est ce qui l’a préservée, jusqu’à présent. Le Je fait écho. […] Ecrire jusqu’au bout, le bras tendu. […] C’est cela le désir. » (Marina Tsvetaieva)
Une vibration à l’écriture, un chant à la douleur de vivre, d’écrire, d’être face au monde et se tenir en équilibre au dessus des gouffres, des impossibles possibles. La croyance en la portée des mots, la force des écrits, la puissance, la fragile folie hypersensible, l’émotion à fleur de peau, de vie. Le feu en soi, en chaque moment, atténué par la fragilité, la douleur, la souffrance à être, d’être. Un je pudique. Virginia, Sylvia, Marina. Un souffle discret et tenu face aux mots, à la force et le besoin vital, la vie dans l’encre, en soi, au bord des vertiges, « du charbon et de la cendre ».
« L’indomptable fureur d’écrire. Tant que tient la voix. Elle « éprouve parfois le sentiment d’attendre quelque chose, qui serait là, presque à la portée de compréhension, juste sous la surface, prêt à être saisi. » Y parvient-elle, que le présent s’affirme pour l’éternité. Mais l’éternité ça bouge tout le temps. Ça fond et ça coule. […] Sa détresse n’a pas de nom. « Je passe à côté de gens, j’en effleure l’arête vive. » (Sylvia Plath)
On aimerait tout noter, tout écrire, réécrire sur les pages blanches d’un carnet, puiser dans la matière, établir le lien entre son être et l’espace, le souffle, le vital, le sang qui bouillonne et s’épanche soudainement entre soif et faim. Sentir l’agitation avant l’effondrement, l’effacement, la transparence de l’âme, de l’être, des vertiges. On aimerait toucher la cloche de détresse, se mesurer aux vagues, entendre les chants les ciels brûlants résonner dans la tête, s’étourdir à la puissance de l’écrit, de ce qu’est écrire, de l’existence même des vertiges insondables, de la beauté fragile et inépuisable des mots, de ce moment où vivre dans le feu révèle la beauté et le courage d’écrire, d’être soi, de s’arracher aux mystères, à l’obscurité, à cette marche forcée vers l’abîme, sentir, ressentir la grandir, la beauté absolue et intransigeante où les mots se mêlent et s’entremêlent.
Ecrire. L’établi. L’atelier.
L’écriture et la vie.
« L'existence est une substance multiple arrachée à l'obscurité. » (Virginia Woolf)
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