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Photo du rédacteurSabine

Robert Seethaler - Une vie entière



« On peut acheter les heures d'un homme, on peut lui gâcher ses journées ou encore lui voler toute sa vie. Mais personne ne peut prendre à un homme ne serait-ce qu'un seul de ses instants ainsi que sa liberté de penser»

La terre, les rochers de hautes montagnes, les alpages autrichiens, les murets, la faux, le marteau, les champs. Jusqu’à ces trente cinq ans, rien ne trouble Andreas Egger qui n'a connu qu'une enfance dure, boiteuse. Infatigable, courageux, homme de bien, un homme bien. Un jour, un corsage effleure son bras. Marie. Lui que l'on a jamais regardé autre chose que ses paysages, son pays de montagnes et d'alpages, jamais entendu, lui toujours présent pour les autres et Marie soudain. Marie et sa façon de l'écouter lui dire ces mots qui n'ont jamais dépassé sa pensée.

Mais Marie disparait dans une avalanche. Une vie sans elle. Une vie à reprendre, seul, solitaire. Trouver refuge dans ce qu'il connait. Le chagrin, l'oubli de soi. Andreas Egger accepte un travail aux conditions extrêmes, la camaraderie et ceux qui meurent pour permettre l’électricité d’arriver dans la vallée : construire le premier  téléphérique pour les quelques touristes allemands venant connaitre les joies des sports d'hiver, juste avant la guerre, la grande, la saloperie de guerre. Et pendant  que le haut pays enterre ses géraniums et plante les croix gammées dans les socles, Andreas Egger,  enrôlé dans l'armée autrichienne,  découvre les montagnes du Caucase et les dures conditions des camps de Sibérie. Malmené par ses années loin de la vallée,  Andreas revient. Une vie moderne hors de son regard, sa nature. Loin de sa solitude et de Marie qui l'avait mené dans ses montagnes. Une vie entière.


« Comme tous les êtres humains, il avait, lui aussi, nourri en son for intérieur, pendant sa vie, des idées et des rêves. Il en avait assouvi certains, d'autres lui avaient été offerts. Beaucoup de choses étaient restées inaccessibles ou lui avaient été arrachées à peine obtenues. Mais il était toujours là. »


Un livre où sa seule force réside dans la simplicité et la sobriété même du récit, dans les bonheurs et les malheurs d'une vie. D'une vie simple. Une vie entière retracée à la hauteur d’un homme traversant un pan d'histoire, sur une jambe valide et une autre boiteuse. Un homme dans l'immensité et la fragilité des montagnes, des hommes, où la vie se calque aux bruits et cours de l'histoire. Une vie rude et ordinaire pour un homme ordinaire. Un homme bouleversant par le choix qu’il fait de toujours devoir avancer et cela malgré les avalanches, le froid, les pierres, le gel, sa jambe, la douleur, la mort, la solitude.


Une écriture toute en retenue, intimiste, naturaliste, pudique, en économie de mots comme ces taiseux qui ne disent rien d’inutile. Un roman où la force visuelle, l'humanité, la beauté des montagnes, le courage d'une vie, la fragilité  viennent contrebalancer la force de notre héros malgré lui, d'un homme simple. Ce que décrit Robert Seethaler, ce sont les joies simples, les espoirs, les rêves, les désastres intimes, les chagrins et les peurs d'Egger, au fond tout ce qui compose une existence ordinaire.


Un chef d’œuvre digne d’un grand classique de la littérature germanophone. Une vie entière et un auteur, Robert Seethaler.


« Les cicatrices sont comme les années, se disait-il, elles s'accumulent petit à petit, et tout ça finit par faire un être humain. »


Une vie entière Robert Seethaler Sabine Wespieser Editeur

Folio

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