« les hommes tristes quand ils vont à la mer rendent l'âme à la vague et le souffle à la voile et le reste au ressac »
J'aurai lu ce recueil une, deux, trois fois, à la suite des mots, comme un rappel, une existence, la fuite, comme une forme de poésie où tout se dit sans se dire, entre les pertes et les regrets, entre ce qui est et ce qui s'écrit, entre ce qu'il faudrait et ce qui est. L'intranquilité, la raison d'être, celle perdue, la solitude des mots noirs, des gouffres, des reprendre pied qui sauvent de la noyade, la tristesse glissant vers l'abîme, voile pudique, caressant le cheminement vers l'écriture. Raphaël Laiguillée cherche dans le deuil des séparations, ce qu'il advient de la tristesse, des âmes désabusées, tordues, étranges, décalées. La mélancolie acerbe suinte, toxique les phrases, enfle les mots. L'humour fourche sous l'ironie dépressive coupable de ne plus savoir vivre, aimer. Narcisse fané cherchant une langue, un pamphlet pour exister, fleurir encore un peu, auto-dérision assumée, l'insolence du vers, du pied.
Et au détour d'un mot, du mot, d'une écriture, il y a toute la raison d'être, de chercher, de se trouver dans la phrase, une volonté d'effleurer ce qui reste, une écriture vie. Avec ce qui pousse, avec ce qu'on trouve, retrouve, de ce qui qui tente de crier et qui ne peut y arriver tant sa voix se perd dans la nuit, tant la mélancolie devient corps, guenille, homme et humus, veilleur et espoir.
« je vous laisse je vous laisse mais vous ne me laissez pas si vite »
Il y a ces poèmes, comme une fulgurance au deuil, à la séparation, à l'existence qu'il faut retrouver, réunir, reprendre pied, le grand sommeil à la patience, à la fragilité et l'espoir, comme un jeu d'humour, un jeu du toi et moi, du moi et toi, d'une vulnérabilité et des béquilles d'infortune, des humeurs flottantes, de noyades dans les ressacs et fracas des jours. Au bord des incertitudes, des pas hésitants, on ravive la flamme, s'élance dans les flots, tentant vaille que vaille de résister aux déferlantes. On tangue entre un je et nous. Les fils se dénoue l'obscurité, le quotidien, l'inertie banale, la déchéance et ce qui reste à aimer, à vivre, usé, désabusé, flétri, cabossé, une énergie subtile au vouloir vivre, à reprendre pied.
Notre besoin de consolation toujours, encore. Impossible à rassasier. Impossible à vivre, à aimer. Ce qui fait, cherche, devient quand le fil des jours tangue sous le poids du noir, de la mélancolie trop lourde à porter, sous le corps qui glisse en tentant de reprendre pied. Reprendre pied. Tendresse désenchantée. Tendresse sous les plis démasqués.
« quand nous aimons qui nous console »
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