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  • Photo du rédacteurSabine

Pellerin, Bailly, Kris - Mon père était boxeur


« Mon père disait que le combat commence lorsque les boxeurs montent sur le ring. La tension se matérialise dans un défi de regards. Il faut impressionner. A la première lueur de peur dans les yeux de l’adversaire, on est déjà en route pour la victoire. La victoire est mentale, il ne faut jamais douter. »

Je n’aurais jamais pensé qu’une bande dessinée sur le monde de la boxe m’aurait emmenée à visionner des vidéos, à vouloir écouter des chroniques sur cette histoire. Bouleversante. Touchante. L’ultime message d’amour d’une fille pour un père qu’elle n’a pas connu, ou peu, ou du moins à travers les souvenirs d’une enfance pas très heureuse.

« Cadet d’une famille de quatorze enfants, mon père avait l’habitude de se faire respecter avec les poings ».


Jusqu’à ce jour où il raccroche les gants après sa troisième défaite au championnat de France des poids lourds en 1983. Ce jour là, l’enfant qu’était Barbara Pellerin voit son père perdre son aura. Pourtant au milieu de cette défaite, le boxeur et la gamine se rapprochent sans le savoir, sans le deviner. A coup de poing, d’œil au beurre noir, d’humiliation et de tristesse, ce jour aura été le trait d’union, la parenthèse enchantée d’une relation qui n’aura de cesse de s’effriter, se perdre, devenir fil tenu. Dans les cordes de la vie. KO par les silences, les non dits, le manque de savoir dire les mots, l’art délicat d’être un père absent, la violence. KO. Coups sourds des pioches qui creusent la terre le jour de son enterrement. Un amour qui ne se sera jamais dit, qui n’aura jamais eu droit à la parole. Et pourtant. Pourtant.


Une somptueuse bande dessinée sur l’amour filial, celui qui ne se dit pas, celui qui fait mal par le silence, les non dits, la difficulté de communiquer, la violence des mots et des gestes. Barbara Pellerin fait de ce récit d’enfance, une histoire bouleversante de sensibilité, d’amour mal dissimulé, de délicatesse de cette incompréhension entre un père bourru, silencieux, ayant des excès de violence et une enfant. C’est rude et à la fois si prude, si généreux, humain. C’est tendre malgré les coups, la tension palpable entre les deux êtres. Comme sur un ring, ils se cherchent, esquivent, jouent de parades pour parer les poings et mots lancés, évitent les escarmouches, les uppercuts. Et dans un assaut final, se lance un dernier regard.




L’histoire est tout simplement belle. Une fragile pellicule de ce que peuvent être des relations entre un père et sa fille. Il y a derrière chaque mot, des bourrasques d’amour, des gestes. C’est émouvant comme un vieux film super 8 retrouvé au fond d’un carton et qui retrace ces scènes d’enfances oubliées tellement elles étaient perdues dans les coins de la mémoire.

Quand au graphisme et au scénario, il est simplement somptueux. Vincent Bailly et Kris ont mis en composition l’histoire et la vidéo que Barbara Pellerin a tiré de ce récit. Ils jouent sur les couleurs, la matière touchant le pastel gras lors des scènes de combats ou violentes, utilisant l’aquarelle pour adoucir la vie, la souvenir ou les images de complicité déguisée sous les silences. Les traits sont à la fois délicats et bourrus, une recherche dans les jeux de regards, une émotion à se laisser guider par ceux-ci, par le crayonné pas forcément propre, et ses couleurs à la fois si troublantes, si tendres, délicates.

Mon père était boxeur se termine par la vidéo réalisée par Barbara Pellerin lors de l’ultime combat entre elle et son père. C’est la cerise sur le gâteau, la touche finale, le palpable qui nous fait jeter l’éponge, la parade qui met ce récit sur le podium du beau, très beau, de l’émotion et la délicatesse de cette relation touchante. Sans jamais entrer dans le voyeurisme, on touche la pudeur de ce récit, de cette bande dessinée magnifique.

« - Tu… c’est drôle. Je trouve que tu as grandi. - Depuis ma naissance un peu… oui sans doute. »


Les bulles de la semaine sont à retrouver chez Moka




Mon père était boxeur

Barbarin Pellerin, Vincent Bailly, Kris

Futuropolis



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