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  • Photo du rédacteurSabine

Nastasia Rugani - Je serai vivante



« Certains racontent que l’esprit se trouvait ailleurs. Il se sépare du corps. Pas le mien. Contrairement à d’autres, je ne suis pas allée me réfugier quelque part, dans ces nuages de velours rose, au-dessus de moi. Les pétales, je les tenais entre mes mains, et je suis restée à l’intérieur. […] Au cœur de la chair. »

Comment parler de la dévastation, la colère, la haine, la culpabilité, le rejet, le dégout, la révulsion, du corps, de l’âme, ce terrain corporel violé, lacéré, haché, hurlé, chuchoté, violenté, de ce qui est impossible à décrire, à arracher de soi. Le viol. 4 lettres. 4 lettres, ronde interminable d’un corps mutilé à jamais.


« on m’a violée en avril. »

Comment parler de ce jour où elle est rentrée dans un commissariat. Un bureau étriqué et un agent. 2 mois après. Sans preuve visible à l’œil nu, sans jupe en lambeaux, sans marque ni trace, griffure, strangulation. Vide. Vidée. Juste le souvenir, le mal, le traumatisme, la spirale infernale, la terreur sourde. 17 ans et quelques feuilles, d’un cerisier en fleurs, accrochées au dessus de ses yeux, ce même cerisier où la scène s’est jouée, où le corps de celui qui se disait son ami, son confident, a pénétré violement, forcé le sien.


Comment parler de « ça », de l’horreur, du cri qui meurt dans la gorge, de la honte, du dégoût. Comment laisser place au langage, au viol, au ressentiment. Comment décrire la scène, voir dans les yeux de celui qui interroge, la culpabilité, l’honneur dévié, mis à mal, fracassé. Comment entendre les mots chuchotés, les larmes ravalées, l’anéantissement. Chuchoter quand hurler est vain. Chuchoter quand ce qui reste après la violence, après le corps brulant, brulé, les mots cognés, est le seul endroit où il est encore possible de rester vivante.


« On n’empêche pas le soudain et l’inattendu. »

Nastasia Rugani a écrit un livre puissant, fort comme peuvent l’être les livres lorsqu’ils tendent la main vers ce qui n’est plus possible d’attraper, de vivre. Par son écriture forte et poétique, sa puissance chuchotée, la douleur, le bouleversement Nastasia Rugani nous emmène dans les dédales du corps, de l’âme, de la douleur brute, âpre, intime, déchirante. C’est impitoyable comme peut être une recherche de preuves, de discernement, de vérités. Par sa poésie sauvage, entière, généreuse, on entre avec fracas, force et amour dans l’histoire meurtrie d’une jeune fille de 17 ans, violée sous les feuilles d’un cerisier en fleurs.


Et c’est fort. Très fort. SI fort que je ne sais si j’arriverai à vous parler de ce livre dit jeunesse, qui m’a laissée un vide au creux d’un ventre malmené, au creux d’un cœur abimé.


« Où se cache l’instinct de vie quand on est cloué au ras du sol ? »


Et relire Milly Vodovic




Je serai vivante

Nastasia Rugani

Collection Scripto

Gallimard Jeunesse

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