Le lundi succède au dimanche, qui succède au samedi, qui lui, succède au vendredi… Azra connaît la chronologie des jours de la semaine, même en français. Pourtant, elle s’y perd. Bugün, hangi gün ? demande-t-elle à sa fille. Dimanche, maman. Nous sommes dimanche et les magasins sont fermés. Alors Azra repend sa veste dans l’armoire, range son porte-monnaie dans la commode et retourne s’asseoir sur le canapé. La télévision allumée, le chat s’allonge à ses pieds et s’endort.
Elle est ici, mais ailleurs. Ici et ailleurs,
c’est l’histoire de sa vie. Et demain, elle part. Elle repart d’où elle vient…
À Sirince, après quarante-deux ans d’immigration compactés dans une valise de vingt kilos cadenassée par sa fille – Azra y amassait des souvenirs trop lourds qui lui auraient valu une surtaxe à l’aéroport.
Que faire des souvenirs ? Qu’en faire lorsque justement la mémoire fait défaut ?
Parce que Azra oublie. Le code pin de son portable, son numéro de téléphone, son adresse. Que ces deux filles restent là, elles. Que leur vie est ici… Tu comprends, maman ? Oui, elle comprend mais elle oublie. C’est pour ça que ces derniers temps, elle achète tout à triple : des robes, des pyjamas, des chapeaux, des maillots de bain, des sous-vêtements. Pour que ses petites canları ne manquent de rien là-bas, pour qu’elles grandissent heureuses. Avec elle.
Azra oublie qu’elle rentre en Turquie sans elles, qu’elle y retourne comme elle en est partie… Pour rejoindre son mari.
Elle se lève du canapé, reprend sa veste et son porte-monnaie pour aller faire des courses. Mais tu fais quoi, maman ? Euh… On est dimanche, je te l’ai dit tout à l’heure. Dimanche, tu entends ? Reste ici, maintenant, lui ordonne-t-elle en la retenant par le bras.
Le lendemain, lorsque Azra franchit la douane, elle sourit. Sa fille la regarde et, fière et émue, lui sourit aussi. Soudain, elle la trouve jolie : elle sort son appareil, la photographie et, à son tour, oublie. La fatigue, le stress, l’agacement, la maladie qui grignote du terrain et l’inquiétude. Et elle l’aime, là, de l’autre côté de la vitre, elle l’aime comme on aime une mère : toujours un peu trop tard.
Dimanche Mélanie Richoz Un été jaune carré
Mélanie Richoz est à elle seule une partie de ma bibliothèque, une partie de cette littérature que j’aime : poétique, chantante, vraie, émotive, concise, sans emphase, directe, féminine, douce, bienveillante, tendre, uppercut… et je pourrais vous énoncer des pages et des pages de qualificatifs sur son écriture. Avec elle, " l'émotion fait ricocher ". Elle sait décrire et nous décrire les sentiments, les détresses, les émotions, l'humain, écrire avec sa chair, ses tripes, son corps, son cœur surtout.
Mais avant tout Mélanie est cette écrivaine issue de Romandie, découverte au détour d’une surprise, d’une couverture rouge, une Mue qui est restée à jamais gravé en moi. Mue, une histoire qui m’a percutée, embrasée, jouée avec mon cœur et mes sens, m’a retournée et mise à nue. Une rencontre comme seule la littérature peut donner, offrir.
De cette lecture, je suis tombée « amoureuse » de l’écrivaine, de celle qui est devenue une amie des mots, maux, livres, rires, des émotions à fleurs de peaux, des étincelles qui se livrent dans les yeux, des histoires que l’on raconte le soir venu. Mélanie c’est ma fée, celle qui d’un mot, d’une virgule me fait mettre les larmes de beauté aux yeux, m’envoyer baldinguer dans les plus beaux endroits que l’on possède, me ramène inévitablement à moi, moi femme, moi, juste moi. Et c’est fort de provoquer cela. Diablement fort. Tellement fort qu’à chaque roman à paraitre, je tremble d’attente, je piaffe comme une pie, je bondis à la lecture de l’ouvrage.
Alors un conseil, filez vite découvrir Ma Mélanie, celle qui m’a donnée le virus de la littérature suisse, celle qui d’un sourire, d’un mot, d’une histoire a su capturer mon âme de lectrice. Découvrez-la vite et revenez me dire que oui, « Mélanie Richoz… c’est quelque chose » !
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