Train. Je hais les gens qui toussent. Surtout quand j'ai pris un billet première classe pour avoir la paix. Je hais l'expectoration bruyante du tousseur qui s'insinue dans mon silence, irrégulière, imprévisible, exaspérante. C'est bon, il en a fini.... Non! Le revoila avec sa quinte. Avec ses munitions de soldat chétif et recroquevillé. Le regarder. Le regarder pour le prendre en peine. Pour voir en lui le frère humain qui n'y peut rien. Pour l'aimer bien et être moins irritée par ses salves sèches et rauques de microbes galopants. Allez... Le regarder... Non. Tant pis pour lui. Je préfère le haïr encore un moment. Ne plus en pouvoir. Me lever brusquement, bruyamment, quitter le wagon, hautaine, pour signifier ma rage et mon mécontentement. Qu'il me traite de pétasse lorsqu'il m'entend partir. Peu me chaut, cher Monsieur, moi ça fait une heure que je vous déteste. Et je vous quitte.
Il y a de la place en première. Pas besoin de rester à côté du tout maigre qui tousse nerveusement. (Si ça se trouve, il était gros et impassible). Silence, enfin. Je peux m'entendre penser.
Je m'éloigne de l'homme que j'aime pour qu'il s'inquiète un moment. Je m'éloigne de notre maison, de notre ville pour l'imaginer en colère puis triste puis désespéré. Jusqu'à ce qu'il me revienne, le cœur dans la main, le genoux à terre, les projets en commun, pour le meilleur, pour le pire, il est mon amour et je suis le sien.
Il ne trouvera pas sa gentille petite femme à son retour. Bien fait.
Il aura mal comme moi. De le savoir me remonte le moral.
Montagne. Pour trouver Dieu. C'est peut-être trop demander. Pour trouver la quiétude pendant que l'homme s'inquiète.
Je marche vite. Je grimpe beaucoup pour épuiser mon corps. Et le raffermir en vue de nos retrouvailles.
Je ralentis. Je ne suis pas sûre, dois-je passer par là, ou par là, pour gravir ce sommet? Je sais pourquoi les hommes ne demandent jamais leur chemin. C'est parce qu'ils sont moins cons que moi. Moi, je demande sans penser aux conséquences. Les conséquences, en l'occurrence: Une dame qui ne m'indique pas le chemin mais le parcourt avec moi. C'est tellement plus sympa! Faire trois heures de train pour trouver la solitude et l'inspiration sur une montagne le plus déserte possible et se retrouver affublée d'une dame. Une de celles qui sont gentilles et en mal de compagnie. Je l'écoute. Je l'encourage avec de petits ah bon? et de longs mais non!. Je me dis qu'elle est âgée et que je vais bien finir par la semer. Ça dure depuis une heure. Elle est en sacrée forme. Le tousseur, au moins, il la fermait. Je vais devenir mal élevée. Je respire. Sourire embarrassé... Vous savez je suis venue ici chercher la solitude. Elle comprend. J'en suis si soulagée que je l'embrasse. Et une et deux et trois bises. Et merci, et pardon et bon vent. Elle me laisse seule à mon chemin. Seule à la fête d'être avec moi-même. C'est bon bon bon. Je peux ne penser à rien. Je peux penser à toi que je vais retrouver demain.
Hôtel. Tu n'as pas hésité à sauter dans un train pour me rejoindre. Tu m'aimes. Il a beaucoup plu et la nuit fut belle.
Sous ses airs policés et son écriture subtile se cache une véritable tornade de rires et d'espièglerie, de discrétion et de douces pensées, paroles. C'est un jeu d'ombres et de lumières. Une femme éprise de justice, d'humanité.
Mélanie CHAPPUIS c'est une rencontre avec sa femme maculée, son écriture si fine, si farouche aussi, si tendre et si humaine. C'est un sérieux coup de pied dans la peau des personnages. Une véritable plume douce, sensuelle et si présente, sensible, à fleur de peau.
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