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  • Photo du rédacteurSabine

Mirion Malle - C'est comme ça que je disparais


« Tu vois, j’avais peur de creuser sous le vide parce que, quand ça explose il y a tout ça, la rage, la colère, la détresse, l’impuissance… parce que c’est injuste. C’est trop injuste. C’est insupportable. Et puis, dessous, j’ai de la peine. J’ai vraiment beaucoup de peine. J’aurais aimé tellement profiter de ma vie. […] J’aurais voulu avoir ce droit-là. »

On a des fois envie de trouver la lumière, de lever la tête vers le ciel et laisser le vent chasser le gris, le noir, ces idées qui s’agrippent à nos pensées, grippent le corps, ankylosent le trop plein, le vide, la colère, la douleur, la fatigue, le néant. Juste trouver la lumière, trouver le vent. Accrocher un peu de bonheur durant un instant, même court, même sourd, même incertain, vague, éloigné de tout et surtout de soi.


Tu tires les larmes de ton corps, la chaleur ne s’infiltre plus, tes jambes ne sautent, courent, portent plus. Tu tiens dans ta main, le poids lourd du monde, la douleur et la confusion, la culpabilité de n’être plus qu’un bout de rien, un bout de trop plein, un bout de trop vide. Tu écoutes ce cœur battant, bruyant, se balancer. Tu te juges, parce que te juger est tout ce qu’il te reste quand tout le reste n’est plus rien. Raté du cœur. Raté tout court.

« J’ai toujours toutes les larmes en moi. J’essaie de les garer. Je les préfère au vide. »

Tout s’écroule, la confiance en soi, en les autres. Tu te retournes, t’isoles, le besoin de se protéger du monde, de soi, de déraper un peu vers les abimes, de trouver un refuge, là où personne ne te verra, là où personne ne viendra. T’éloigner pour ne plus sentir, pour ne plus être éraflé par soi, par les autres, ceux qui bordent, veillent ton corps, ton existence. Les larmes inondent tes joues, tes jours, tes nuits, ces mêmes nuits, où tu te réveilles en sursaut, où le noir se reflète dans tes pensées. Juste un peu de paix, un peu de temps, s’il vous plait.


« Je suis vide, je ne ressens rien, juste du vide. Avoir le cœur brisé me manque. Etre triste me manque. En ce moment tout est juste trop vie et trop plein en même temps. »

Et pourtant, pourtant la lumière se pose. De manière confuse, indolore puis de plus en plus prégnante. Une caresse. Elle t’inonde avant que les derniers pleurs s’évaporent sous tes joues. Des mains viennent te chercher, te rattrapent, t’entourent. De cette longue nuit, tu entrevois l’aurore même si tu sais, comprends que tu peux retomber, que la chute est toujours et encore possible. Tu consolides, avances, t’aides, prends. La douceur, la délicatesse.


« Pourquoi je suis si faible ? Pourquoi j’arrive pas à dépasser ça ? Pourquoi ? Pourquoi moi ? »

Qu’il est doux de pouvoir lire ces mots, les mots de Mirion Malle, de se dire que la dépression n’est pas que cette inexistence, cette impuissance, cette absence de volontés qu’on te rabat sans cesse. Tu ressens la petite musique du cœur, la tendresse d’un regard ami, la présence d’une main sur la tienne, la consolation, le droit de ne pas aller bien même si on ne sait pas l’exprimer. Tu as le droit. Et c’est important de l’entendre, le lire, le savoir, le dire aussi. Entendre, comprendre que la dépression n’est pas qu’un coup de mou, que ça va passer, que les chutes sont possibles mais les relevés aussi, qu’il faut se laisser le temps, s’aider, prendre soin de soi, s’écouter.


Un roman graphique qui te prend par la main, en douceur, que tu poses devant toi pour ne pas oublier celui, celle que tu es, ce chemin que tu traces malgré les coups de vide, de trop plein, les coups du destin. Un roman qui t’explique ce que tu es, le droit, la dépression sans morale, sans cacher. Un fil comme un tracé, un crayon noir qui exprime la vie, ce sentiment de disparition, de disparaitre, cette impuissance.


« Je voudrais être légère et insouciante, je voudrais avoir le droit de ne pas lutter. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas parce qu’on m’a pris ça. »

Et nous vient à la fin de la lecture, cette envie de se prendre dans les bras, de s’autoriser. La relire une fois, deux fois, ne pas la ranger toute de suite auprès des autres BD, des autres romans. S’autoriser encore. Et tenter d’en parler, même mal, même peu, même trop. S’autoriser.


« Une fois que tu as goûté à quelque chose de vide, alors tu comprends l'attrait du bonheur, la sincérité de souhaiter ça. »

« Ne me secouez pas, je suis plein de larmes » - Henri Callet

Et remercier la librairie Récréalivre au Mans qui m’a parlée de ce roman graphique québécois. Les bulles de la semaine sont à retrouver chez Noukette



C’est comme ça que je disparais

Mirion Malle

La ville brûle



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