top of page
  • Photo du rédacteurSabine

Michèle Lesbre - Ecoute la pluie



« Je pensais à lui, je penserais à lui longtemps, je ne pourrais l’oublier et son anonymat lui donnait encore davantage d’importance, il devenait tous les suicidés du métro, tous ces désespérés qui soudain provoquent retards et débordements, que l’annonce, d’un grave accident de voyageur ne parvient pas à excuser, trop fréquent, trop banal. J’avais jusqu’à là redouté d’en être le témoin un jour ou l’autre. Ces morts mettent les nerfs à vif d’une foule déjà malmenée, puis tout rentre dans l’ordre, tout continue. Ils ont à peine bousculé l’ordinaire. »

Michèle Lesbre. Que vous dire sur cette grande dame ? Que vous dire ? Rien. Rien, parce que je ne  saurai évoquer ce que me donne à lire les romans de Michèle Lesbre. Rien parce que les mots de cette écrivaine sont de la dentelle ciselée, pure, bouleversante. Rien, parce que j’ai un immense respect pour ce qu’elle écrit, publie, compose. Rien, parce que ce que nous tend, nous donne Michèle Lesbre est le minimaliste même d’une vie, une ode à nos âmes mélancoliques, fragiles, belles.


Que vous dire sur « Écoute la pluie » lorsque la force de ce texte est le silence, la tension, la beauté fulgurante d’un dernier sourire, un dernier souffle que l’on vous offre avant de partir. « Écoute la pluie » ne se résume pas. Il agit. Il nous pénètre. Il nous oblige à regarder le virage d’une vie.


« Les vies d'adultes ne sont que tentatives pour guérir le chagrin de l'enfance inachevée, toujours inachevée. »

Un vieil homme se jette sous une rame de métro devant les yeux d’une femme qui partait rejoindre son amant à l’autre bout de la France, dans un hôtel au bord de la plage ? Qui était-il ? Pourquoi ? Comment lui faire une place dans son cœur quand ce vieillard a rouvert une faille, des questions, des souvenirs, des cicatrices en elle ? D’un personnage et d’un moment tragique, Michèle Lesbre nous oblige à nous révéler, à devenir enfin ce nous que nous sommes. Les failles de nos vies deviennent des possibles, des interrogations, des marches nocturnes sous un Paris orageux, des plages isolées de bord de mer, des hôtels d’une nuit au goût d’embruns, des rendez vous ratés, des pluies sublimes, des visages que l’on ne peut oublier, des photos retrouvées, des rencontres de hasards.


L'écriture de Michèle Lesbre ourle notre lecture, coud un manteau, ,une existence, donne lieu à une vie, un corps, un prolongement. Elle œuvre dans le silence, dénudant le cycle d'une vie, lui donnant chair et âme, transparence et visages. Il n' ya rien de plus beau que d'entendre la mélodie de ces mots, de tendre l'oreille au bruit de l'océan, de se laisser pénétrer par le vent assise sur la dune. Il n'y a rien de plus fort que de comprendre la mélancolie qui nous pousse à être, devenir, grandir et croitre. Il n'y a rien de plus humain que de comprendre que la vie est là, sur ce moment, dans ce moment d'intimité avec soi, d'être soi, sans la simplicité et dénuement de la vie.


Michèle Lesbre a l'art de toucher une corde sensible, de révéler une part de moi à chacun de ses romans. Elle est une des grandes dames qui peuplent ma bibliothèque , lui donnant cette lumière et cette capacité à comprendre où se loge la beauté de la vie, sans cri, ni ressac, sans violence ni bruit. Il y a des auteurs qui vous touchent au plus haut point de votre existence, vous submergent, vous insufflent et soufflent l’essentiel, font ressurgir ce qui étaient enfouis au plus profond et vous donnent à la possibilité de laisser écouter la pluie qui tombe en vous. Michèle Lesbre en fait partie.                               


« Comment te transmettre ces minuscules détails, ces instants lumineux où, dans l'ombre fragile d'un homme vieillissant et solitaire, j'arpentais la campagne paisible avec déjà la conscience aiguë d'un temps en fuite, d'une disparition possible de ce corps que je devinais maigre et fatigué, aux gestes mesurés, à la démarche lente et régulière, dont j'avais sans doute hérité, mais de quoi ? De la solitude ? De son amour du silence et de la contemplation. [...] Je me demande si ce n'est pas cet amour qui m'a permis tous les autres. Pourquoi est-ce si difficile de te dire cela très simplement? Est-ce que je t'aime assez? Est-ce que l'amour suffit? »


Écoute la pluie Michèle Lesbre Sabine Wespieser Editeur

Gallimard, collection Folio

11 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page