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Marie Nimier - Les confidences


« Je n’avais pas prévu d’écrire ce genre de chose, ce n’est ni le moment ni l’endroit, mais c’est bien ce qui m’était apparu ce matin-là : celui qu’on attend, les yeux fermés, c’est celui qui ne viendra pas. Celui qui manque, qui a toujours manqué. Celui qu’on a perdu, mais seulement de vue. Perdu tout court. Celui dont on aimerait partager ne serait-ce qu’un secret. »

Une confidence. Du genre de celle que l’on glisse à l’oreille pour ne pas révéler le ou les secrets hasardeux, le sourire volé, le bouquet de fleurs dérobé un matin d’amour, un sentiment personnel, un désir ou un remord d’une vie ou un passé. Une confidence comme une confession révélée sous le sceau du confessionnal. Une confidence en fermant les yeux pour mieux retenir l’essentiel, retenir le primordial, le précieux, la phrase entendue dans l’enfance, l’acte regretté, le bonheur volé, retirer les soupçons de culpabilité et de jugements, la pensée tourmentée, la peur qui obstrue la confiance et le courage. Une confidence comme ce que l’on révèle un jour à une âme inconnue, une âme sœur ou pas, un être sans jugement, dans l’empathie de l’instant, un anonyme.


Une confidence et une confidente. Une inconnue recueillant la mémoire, la parole, les actes et regrets, les bonheurs et amours, les larmes et les sourires. Le temps d’un bandeau posé sur les yeux pour conserver uniquement les mots, devenir transparente, se cacher derrière le tissu et entendre, vivre avec le secret des autres, les méandres, les silences et regrets. Des confidences et des mots.


Mais que faire de tous ces maux qui se disent, qui ne sont que de pâles reflets d’une société qui disparait à l’ère du superficiel, des vols du paraitre, des larcins à la petite semaine ou de la vacuité de l’âme humaine, des culpabilités de pacotille et des secrets vides de sens ? Que faire quand la parole n’a plus le sens qu’on lui donnait ou pensait, la valeur d’une vie ou des troubles tels qu’on les entendait.


« Si tout se passait bien, une série de textes naîtrait de ces moments suspendus, des nouvelles peut-être, ou des monologues retranscrits de mémoire. »


Il est troublant ce récit, nouvelles expérimentales de Marie Nimier. Troublant car lorsqu’on aborde les confidences, on entre automatiquement dans les domaines impudiques, dans la langue déliée racontant les secrets intimes de l’âme humaine, les bas-fonds, les laideurs et noirceurs. On aborde l’érosion, la sécheresse, l’inconnu qui suscite l’interrogation, la curiosité, le sourire ou l’écœurement. Il est troublant et fascinant non pas pour les histoires retranscrites mais pour l’exploration de l’âme humaine, ce qu’il advient des secrets que l’on porte en soi, des rencontres qui nous hantent et nous fabriquent, deviennent des souvenirs, des traces, des empreintes cicatrices d’un passé lourd à porter.


Porté avec générosité, une humanité, une empathie, une impudique pudique sensuelle, Marie Nimier nous amène à nous pencher sur les mots que l’on peut confier, ces maux et fantasmes qui nous hantent et deviennent un secret partagé. Un peu comme dans les romans d’Annie Ernaux, on aborde les souvenirs et la vie qui en découle, les errances et curiosités de la mémoire, du corps et les particules intimes qui nous constituent, celles que l’on cache et qui un jour ressurgissent en nous donnant une clé à notre existence.


Un texte sensible, tout en profondeur et en émotions qu’il faut digérer pour en comprendre la force et la générosité, la douceur et tendresse, la part cachée qui se délivre en nous, l’angoisse, l'intériorité, le fil qui relie les confidences qui soudain devient partage, compréhension, valeur humaine.


« Une confidence, c’est une histoire que l’on garde pour soi parce qu’elle concerne tout le monde. Si elle ne concernait pas tout le monde, on n’aurait pas besoin de la garder pour soi. »


Les confidences

Marie Nimier

Gallimard

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