« Ma vie est remplie de photographies latentes. Je creuse toujours les mêmes sillons. Mes mains m’encombrent. Je contiens mes élans. J’ai des pensées murmurantes. Je suis la somme de mes pudeurs. Je ne sais pas vire sans écrire. Je ne sais pas avoir les mains autrement que tachées. »
C’est l’histoire de nos mères, de nos grands-mères, des femmes de nos lignées, celles disparues, celles qui nous accompagnent, celles qui sont nous. C’est l’histoire des filles de fermes, des femmes de l’amour, des mères de labours, des désirs et des mains ficelés, corsetés, liés, humiliés, serrés, desserrés. C’est l’histoire des fleurs sauvages, indomptables, aux racines profondes, ancrées dans le sol sec des champs pauvres, en friche, l’histoire de filles de rien, de femmes de tout, de celles qui nous tiennent la main et nous libèrent., fantômes de nos nuits, fantômes de nos vies. Celles qui fondent, frondent nos mots aux travers nos envies, des disparitions et des oublis, des cendres et des feux, des libertés et des désirs, l’enfance laissant place à la femme. C’est l’histoire de nos violences, de nos fatigues, de nos insatiables et bruyantes vies, du quotidien arraché à nos profondes racines, à nos sauvageries mortes, à nos envies domestiquées, à nos libertés écrites.
C’est l’histoire du mouron des champs.
C’est l’histoire du cœur qui gonfle et apprend à vivre.
« Nous ferons de nos vies des œuvres de joie et d’attisement. »
Il y a la poésie, la beauté des mots et des silences de Marie-Hélène Voyer, la mélancolie et le poids des heures, des labours portés par celles qui nous ont précédées, ont creusé les sillons de l’âpreté des terres, des emprises des hommes et des travaux domestiques. La poésie libre de celles qui nous ont façonné, ont trimé sur la liberté et la disparition des affranchissements, des désirs. On côtoie les fantômes de nos mères, de nos égarements et incertitudes, de nos chantiers de ruines et de pertes, des inquiétudes passagères et celles profondes, ancrées, encrées dans le noir de nos cœur et âmes. Les ombres planent, plantant les graines du corsage lié, des habitudes et des souvenirs.
Et puis il y a l’espoir. L’espoir libéré par les mots, l’écrit, la certitude de trouver sa voie, son chemin, sa place, son univers, sa feuille, sa liberté. Des ruines se bâtissent des lieux, des paysages, des corps, des désirs qui naissent et sauvent. Des vies qui deviennent des sommes de celles et ceux qui accompagnent, nous accompagnent. C’est l’histoire de souffle de vie, de nos souffles, d’ « un souffle d’amour pour apprendre à vivre », à aimer, à écrire.
Marie-Hélène Voyer et la beauté saisissante des écrits, des mots, de ce qu’écrire délivre, donne, rend, libère, farfouille et trifouille dans les viscères, les colères, les cendres et les vies. Le temps d’une vie, des acquis et des certitudes, des places à trouver et des doutes d’apprentissage, des vertiges et des maux.
C’est l’histoire.
C’est une poésie.
C’est un poème de vie.
« Les souhaits tristes sont peut-être les plus doux »
Yorumlar