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  • Photo du rédacteurSabine

Marie Hélène Voyer - Expo habitat

Dernière mise à jour : 2 juin 2019


« Il ne faut pas craindre les insectes, les couleuvres, les mulots tout ce qui vit et palpite à l'intérieur des choses. »

Le silence est précieux à la ferme. Seules les vaches encore fumantes des odeurs de la terre, bruissent dans le vent pénétrant sous le hangar. La nuit affronte la peur du noir qui avale, se dilate dans les corps d'enfant. Elle s'accroche comme un souffle épais. L'horizon seul et la terre.


« Tu voulais que j avance, que je mine le courage, tu voulais que je taise cette peur nouée au creux [...] que j'habite mes pas inquiets. »


Je suis née avec les vaches. Je n'ai pas supposé qu'il était possible d'élever des barrières entre le hangar et la ville, contenir l'air dans des poumons épris de liberté. Toi, tu as construit des cabanes pour y cacher des clous rouillés, des cahiers d'aveux, des pétales de déceptions, des trésors de terre.

On a grandi sur cette terre, dans ces jours de nuit. On a appris à marcher dans des lignes de trappe qui recouvrent les champs, un silence complice.


« Le jour est une présence fortuite et tu as tout ton temps. »


Et les souvenirs deviennent des gestes souterrains. Les yeux effacent les lieux. Les doutes s'installent. Le ventre se remplit de failles fiévreuses, d'éboulis, de boue fossile, de sève.


« Et le temps passe

à rebours des choses

de chose en chose

tout avance

de chose en chose

semblable symétrie. »


Le regard devient que mouvement, il s'étend et atteint la ville. Les champs s'achèvent. Ton ventre fiévreux libère les révélations impossibles sur le boulevard où les perspectives changent. Tu perds la langue de l'enfance, celle du territoire infini. La ville s'endort sous une nuit sans histoire, claire et lumineuse. Tu affrontes d'autres peurs. Celles des habitats où tout s'expose et rien ne vit, là où la tendresse éclaire les chemins provisoires, là où les murs se dressent face aux paysages, là où les poumons oublient de respirer, là où l'intimité est cadenassée.


« Tu voudrais fuir ce qui use

ce qui rode à l'intérieur »


Mais demain une fois  l'adulte devenu, tu raconteras aux enfants qu' « il ne faut pas craindre les insectes, les couleuvres, les mulots tout ce qui vit et palpite à l'intérieur des choses. », qu'il faut habiter ses rêves, ses terres et parcourir les distances « insolents de vies consumées » comme les bêtes de son histoire, dans la tendresse et cette soif de liberté. Il faut retrouver les lignes du désir, les habitats sans contour, hors cadastre. Réhabiliter son territoire, son expo habitat.



Un recueil de Marie Hélène Voyer où le souffle se fait rare, s’intensifie dans un désert aride et sec, hivernal. Celui du Grand Nord. Une lecture intense, où les mots habitat et habiter que cela soit un territoire, un lieu, un bâtiment, prennent autant de puissance, de sens, de désir, de vie, de craintes et de peurs. L’écriture traverse les époques, les paysages, les roches et les foins, nous fait longer les sentiers et dédales autoroutiers, les paysages transformés, les villes où résident la solitude et les changements. Sèche, nerveuse mais à la beauté absolue et magnifiée par un désir de vivre, de transcender cette soif de liberté, la force créatrice du territoire.


Encore une belle découverte de la Peuplade qui me fait lire des auteurs québécois et amérindiens riches de sens, de soif, de quêtes de libertés et de complexités territoriales.


« Entre, pose ton cœur là dans le foin. Dors comme une grange à l’abandon. Demain, nous enfilerons notre peau neuve pour la première fois. »





Expo habitat

Marie Hélène Voyer

La peuplade

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