Je les ai donnés aux oiseaux.
Je ne voulais pas qu'ils finissent aux ordures, alors je les ai récupérés dans un sac, un sac plastique, un sac de course tout bête. Je les voyais en transparence et je les ai semés par poignées, comme ça, sur les branches, à la volée. Ils en feront leurs nids.
Je n'ai pas pu attendre, je l'ai fait de suite, j'ai tout coupé. J'ai saisi mes cheveux par poignées, comme ça, je les ai attrapées et j'ai coupé. Puis je suis allée à la fenêtre et je les ai semés sur les branches. Ça n'a pas fait de bruit.
Je les ai coupés sans le dire à personne, ni à ma sœur, mi à ma mère, ni à mon dernier amant, ça ne les regardait plus. Lyne aurait pleuré si elle avait su que j'allais les perdre. Il n'y aurait plus de séance-couleur, nous ne referions plus le monde en attendant qu'elle prenne, les pieds sur la baignoire.
Je les ai attrapés à pleine main, d'un coup, sans réfléchir, comme mes amants le faisaient dans l'étreinte. Je les ai tordus, un peu fort, ça m'a piqué les yeux. Puis je les ai relâchés, une dernière fois, pour les sentir se répandre autour de mon cou, sentir leur chaleur, leur poids, sentir leur vie, sentir... J'ai eu envie de les bouffer pour ne pas les perdre. Mais je les ai donnés aux oiseaux.
Quand j'ai eu tranché, le reste était hirsute. J'ai passé la tondeuse. Mes yeux se sont élargis, mon front, mes joues, ma bouche...
Je suis réapparue.
La brise de mars était froide sur mon crâne chauve quand je les ai semés. Ils se sont accrochés aux branches du noisetier en bas, dans la cour. Comme des fils de Parques. Ils brillaient.
J'ai secoué le sac plastique par la fenêtre pour qu'il n'en reste plus.
Le premier oiseau fut un petit moineau. Il a fait vite, comme un voleur. Ses ailes ont froufrouté dans le ciel pâle. Je l'ai suivi des yeux jusqu'à le perdre dans les prunus bourgeonnants. Je me suis dit qu'il passerait le message, qu'ils sauront tous, bientôt, les oiseaux, que je leur ai donné mon bien le plus précieux.
Marianne Brun.
Difficile pour moi de vous parler de Marianne. Elle fait partie de celles, de ces romanciers qui demeurent de l’autre côté de la frontière franco-suisse, qui est devenue un peu plus qu’une simple auteure. Elle est devenue celle qui compte, qui par son écriture percutante et à la fois si sensible, lumineuse, a su me trouver, me donner envie de poursuivre mes lectures à ses côtés. Marianne est d’une énergie folle, d’un émerveillement quotidien, d’une impulsion et d’un rire ravigotant. Elle aime secouer, elle aime quand tout n’est pas lisse. Et pourtant se poser dans ses mots, c’est trouver ce quelque chose qui nous ressemble, nous assemble, nous illumine, nous ensorcelle. Scénariste et consultante littéraire, elle a écrit « L’Accident », « La nature des choses ».
Sandra Reinflet, un feu follet.
Difficile aussi de vous présenter Sandra. Sandra est une touche à tout ou du moins une de celle qui est une petite pépite à posséder avec soi. Photographe, chanteuse, vadrouilleuse, imagière, romancière, poucette-autostoppeuse, amoureuse folle de la vie et de ses aléas, une inventeuse d’histoires vraies. Inclassable en fait et pour notre plus grande bonheur. Avec elle on a envie de dire « je t’aime [maintenant] », de retourner explorer nos cours de récrées en chantant du Prévert, de s’égosiller sur des CAP ou des 33 ans qui passent à une vitesse folle, d’arrêter de dire « ne parle pas aux inconnus ». Bref rencontrer Sandra, c’est entrer dans une danse, dans des rires, des musiques incroyables, des airs de fêtes. C’est juste un vrai bonheur.
(Pour le respect de celles et ceux qui ont accepté de publier sur ce blog, les textes et les photographies sont protégés par le droit d'auteur. Merci de ne pas les reproduire sans autorisation)
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