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Marguerite Yourcenar - Mémoires d'Hadrien


« Chaque homme a éternellement à choisir, au cours de sa vie brève, entre l'espoir infatigable et la sage absence d'espérance, entre les délices du chaos et celle de la stabilité... »

Parler des « Mémoires d’Hadrien » de Marguerite Yourcenar, écrire dessus relève d’un véritable exercice littéraire, philosophique, sociologique, sociétal. Y prêter mes mots serait une erreur, un pamphlet, un vaudeville terrible. Marguerite Yourcenar ne se résume pas. « Mémoires d’Hadrien » ne se conte pas. « Mémoires d’Hadrien » se découvre.


J’ai longtemps hésité à lire ce roman, à m’emparer de ce livre version poche. Marguerite Yourcenar. Un nom. Mémoires d'Hadrien, un sommet littéraire. Une écriture. Une icône de la littérature que l’on n'ose approcher, nommer. Il était plus facile de commencer par d’autres de ces romans, écrits que par ce titre, ce texte, cette référence inclassable. Certains ouvrages font peur par le trouble qu’il jette, les mots qui renvoient à nos propres questions, nos interrogations, nos vies. Mémoires d’Hadrien en faisait parti. Comme un mur, un obstacle, un fossé impossible à franchir, comme un véritable exercice de construction, de rapport à moi-même, à dépasser cette honte de ne pas l’avoir lu, de ne pas avoir lu de grands classiques, d’essais ou récits, une intelligence ou sagesse pas atteinte. Comme si lire Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien était touché le Graal, l’accès à l’écriture, le véritable trésor philosophique académique.


Marguerite Yourcenar fait de cette longue lettre d’adieu à une vie, à un amour, sa propre lettre. Elle devient Hadrien, nous imprégnant de son histoire, de son authenticité, de ces rêves auquel on croit et qui s’envolent, se crispent.


On y découvre une liberté d’écriture, un souffle pour ce qui se trame, se détaille dans l’histoire d’un monde, d’un empereur romain à la fin de son règne, de sa vie, et se vie dans la transgression d’une époque qui chevauche la notre. Un ton, un style, un cheminement, une voix, un bouleversement puissamment politique, contemporain, actuel. On ne sait qui est Hadrien, un empereur romain ou un homme ayant conquis et politisé un monde au-delà de notre propre histoire. On ne sait et pourtant les mots, l’écriture de Marguerite Yourcenar en font un être proche de nos préoccupations contemporaines, de nos questions. Une légende qui rejoint la notre. Une philosophie qui nous touche, des raisonnements qui dévoilent des réponses à nos errances, nos perplexités, nos bouleversements sociétaux.


« Le bien comme le mal est affaire de routine, que le temporaire se prolonge, que l'extérieur s’infiltre au-dedans, et que le masque à la longue, devient visage. Puisque la haine, la sottise, le délire ont des effets durables, je ne voyais pas pourquoi la lucidité, la justice, la bienveillance n'auraient pas les leurs. »

Lire Mémoires d’Hadrien, c’est se retrouver face à soi, à ses idéaux, ses échecs, victoires, errances, désillusions, espérances, volontés, sagesses. C’est repenser son monde, notre monde, les espoirs et croyances, fois. C’est restructurer le partage, croire en une victoire possible de l’humanité, la croyance de l’amour envers les autres, l’autre, la sagesse, les controverses d’une vie, d’une raison, le fondement de l’altruisme au-delà de l’homme pour l’homme. C’est construire des bibliothèques, bâtir un savoir, soulever des pierres, offrir la force de la culture, d’une éducation ensemble et commune, d’une œuvre solidaire et solaire, possible et raisonnable.


« C'est collaborer avec le temps sous son aspect de passé, en saisir ou en modifier l'esprit, lui servir de relais vers un plus long avenir ; c'est retrouver sous les pierres le secret des sources. Notre vie est brève : nous parlons sans cesse des siècles qui nous précèdent ou qui suivent le nôtre comme s'ils nous étaient totalement étrangers. »

Un chef d’œuvre magistral, pur où il m’a fallu du temps pour prendre en compte l’histoire, la vision, sa puissance poétique et littéraire. Une explosion de mots écrit dans mon carnet, celui qui ne me quitte pas, celui qui m’aide à construire ma pensée, mes idées et idéaux, à bâtir un monde idéaliste, altruiste, généreux, solidaire, humaniste. Un texte où on côtoie l’intelligence d’esprit, la vision d’une société, la pluralité des fondements, la cohésion d’une volonté politique, philosophique, sociétale, la force et les faiblesses qu’il faut accepter pour créer une vie, enraciner sa vie et la laisser s’envoler.


« Rien n'est plus lent que la véritable naissance d'un homme.»

Des mémoires.

Un homme.

Un texte.

Une femme.

Et la volonté absolu de faire de ce texte, ce qui ne se raconte pas mais aide à construire, à bâtir un monde possible, sa pensée.


« Notre grande erreur est d'essayer d'obtenir de chacun en particulier des vertus qu'il n'a pas et de négliger de cultiver celles qu'il possède. »
« A chacun sa pente : à chacun son but, son ambition si l'on veut, son goût le plus secret et son plus clair idéal. Le mien était enfermé dans ce mot de beauté; si difficile à définir en dépit de toutes les évidences des sens et des yeux. »



Mémoires d’Hadrien

Marguerite Yourcenar

Folio




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