« Ecrire. Je ne peux pas. Personne ne peut. Il faut le dire : on ne peut pas. Et on écrit. C’est l’inconnu qu’on porte en soi : écrire, c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien. »
Ecrire.
Je ne lis pas des livres pour m’évader ou pour connaitre l’aboutissement du monde, le ressort de la narration, la simplicité du verbe ou la personnalité de l’auteur, de l’autrice, des paillettes et des étoiles qui s’éteignent sitôt la gloire encensée. Je lis pour comprendre ce qui est en moi, ce qui au détour d’une phrase, d’un mot, me rassemble, me percute, me donne la force, l’émotion du choc littéraire, de la beauté de ce que je lis et ressens. Je lis pour me comprendre, pour avancer, me procurer cet indicible souffle. Nul besoin de bruit, d’assassinat et de cri, de conquête et victoire. Lire pour être et écrire pour se révéler, pour laisser la lumière jaillir, le pur devenir, la simplicité gagner. Ecrire pour vivre. Arrêter de se déguiser.
« On n’est jamais seul. On n’est jamais seul physiquement. Nulle part. On est toujours quelque part. »
Ecrire arrive comme le vent, comme le souffle qui s’éternise sur la main, donne l’impulsion et l’envie de continuer à poser des mots, à laisser la phrase gagner, la solitude du moment devenir solitude de l’écrivain, bruit de l’encre, poésie de l’instant. Les doutes s’agrippent, la peur se pratique mais l’écrit gagne.
Ecrire pour débuter ce qui en soi devient. Est. Vit. Ecrire pour vivre. Ecrire comme une vie. Comme ce cri que l’on pose et qui transperce la feuille, devient prose, récit. Sans bruit, dans l’espace et la force du moment, la beauté de l’instant. Ecrire comme une naissance dans la nuit.
« Se trouver dans un trou, au fond d’un trou, dans une solitude quasi-totale et découvrir que seule l’écriture vous sauvera. »
Ecrire comme un début, un commencement, une histoire. Une histoire qui nous mène, nous guide, un élan qui nous traverse. Ecrire parce que c’est tout ce qu’il est possible de faire, de dire, regarder, ressentir. Faire des hurlements sourds, des cris terribles de la vie, une lumière, la folie, la tendresse, l’envie, la pensée quasi religieuse, le chemin qui abouti. Ecrire parce que c’est la seule façon qui nous permet tenir, trouver une clé, entendre le bruit du monde. Ecrire pour insulter, insuffler, croire, puiser, allumer, pour vivre et ne pas mourir.
« Ecrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. »
Ecrire parce que c’est incontournable, essentiel, précieux, capital, limpidité dans la friche. Parce que ne pas essayer, tenter, c’est mourir, fermer et tirer les verrous, tourner la clé, être seule et ne pas entendre le sommeil de l’humanité se réveiller. Abandonner avant d’avoir entrouvert sa vérité, entendu le bruit hurler dans le silence et respirer, la solitude devenant alliée. Ecrire et aller vers l’inconnu, avancer vers ce qui nous grandit, vers, sa naissance, sa renaissance, sa destinée.
Il y a mille raisons d’écrire et de faire des mots sa vie, de faire de sa vie, des mots, ses mots. De comprendre ce qui s’agite en nous, ce qui remue dans ce ventre, la matrice de nos maux, l’encre de nos pensées, de nos silences qui s’écrivent dans un cri. Il y a mille raisons et une qui poussent à lire ce livre, ce récit, à entendre les mots de Marguerite Duras. Les entendre fort en soi, les écouter, les noter, annoter, réciter, en faire une ligne de vie, les écrire. Entendre résonner la voix, sa voix. Entendre l’ampleur et l’ivresse de ce qui est en nous, en moi. Trouver son écriture, sa forme, son fond, son récit, journal, ce qui se glisse, devient sauvage et violence, colère et apaisement. Ecrire. Trouver sa maison.
Ecrire un journal pauvre qui devient riche.
« L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. »
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