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Marguerite Duras - Détruire dit-elle

Dernière mise à jour : 21 mai 2022



« Fulgurant comme l’amour, silencieux comme la mort, grave comme la folie, âpre comme la révolution, magique comme un jeu sacré, mystérieux comme l’humour. Détruire dit-elle ne ressemble à rien. »

Quelque part. L'orée d'un bois. Un hôtel. Au fond, un terrain de tennis où se meurent quelques balles échangées. Peu de monde, peu de bruit, mouvements au ralenti, éteins dans la torpeur du temps mou et lourd. Le temps. Le bruit du temps, des silences, d'une éternité à rallonge. Et lui. Elle. Lui. Triangle du désir, des regards, des détours de mots, d'un possible roman, le désir de l'instant fulgurant, la folie de l'amour, de la mort, du crépuscule fascinant et foudroyant d'une cérémonie d'adieux. La nuit. Le silence des cris des corps enlacés. Mystère. Les bosquets, le bois, les allées. Et lui, elle, lui. Triangle désarmé, désarmant. Triangle et le bruit des balles fuse comme fuse le bruit des cœurs, du désir. Comme fuse le bruit du temps lourd, des silences, de l’éternité, des possibles impossibles, de la vie à trépas, de la vie qui trépasse.


« Ecrire, peut-être. […] je n’écris pas, je n’écrirai jamais… oui, chaque nuit change ce que j’écrirai si j’écrivais. »

Détruire dit-elle. Duras. Marguerite. En quelques mots tout est dit, tout est planté. Atmosphère, lieux, intrigue et le ballet des amours désireux, désirables, folie du désir sourd et lourd, d’une révolution de cœurs impossible à mener. L’écriture est sèche. Seule la durée demeure dans la lecture, comme le temps mou, lourd des soirées brutales et violentes de désirs impossibles. Le temps échappe, l’écriture tout autant. La solitude devient le fil conducteur, de la destruction des âmes, des cœurs, des corps. De la vie elle-même. Et le bruit des balles qui martèle comme martèle l’écho improbable des amours détruits, des cœurs qui s’épuisent, cognent dans le vide. Détruire dit-elle et reconstruire.


« Aujourd’hui le bruit des balles frappe dans les tempes, le cœur. »

Détruire dit-elle, détruire. Revenir au néant, au rien, à l’absolu vide des vies, à l’absence et au silence, au désir qui révolutionne et s’éteint dans la torpeur de l’inexistence. Détruire. Détruire dit-elle. Une destruction lente, douce, tendre, infinie, une possible création, l'impossible action. Détruire pour ne vivre que le présent, oublier l'avenir, l'invisible et le bruit des balles frappe dans les tempes, le cœur.


Pages cornées, phrases soulignées, dérives des sentiments, cœurs frappés, l'écriture comme un cri dans la nuit, une évidence première, un couteau, des regards, un jeu, le désir.


Et détruire.

Détruire dit-elle.

Détruire et apprendre à vivre.

Qu'on recommence tout.

Et détruire

Détruire dit-elle.

Tout casser. Et aimer, apprendre à aimer.



« Il faudrait se séparer tous les étés, dit-elle, s’oublier, comme si c’était possible ? »


Détruire dit-elle

Marguerite Duras

Les Editions de Minuit

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