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Maggie Nelson - Bleuets

Dernière mise à jour : 6 sept. 2019


« 1 - Et si je commençais en disant que je suis tombée amoureuse d’une couleur. Et si je le racontais comme une confession [...] C’est venu petit à petit. Par estime, affinité. Jusqu’au jour où c’est devenu plus sérieux.» 2 - Je suis donc tombée amoureuse d’une couleur – la couleur bleue, en l’occurrence – comme on tombe dans les rets d’un sortilège, et je me suis battue pour rester sous son influence et m’en libérer, alternativement. »

« 30 – Si une couleur donne de l’espoir, est-il possible d’en déduire qu’elle peut aussi susciter du désespoir ? »


Ce bouquin c’est un improbable récit littéraire, une forme hybride qui nous laisse sur le final, une faim, un banc de touche que jamais nous n’aurions cru atteindre, apercevoir. Un objet littéraire non identifié, une quête du bleu blues, du bleu roi, indigo ou le bleu des larmes salées, celles qui coulent sans que l’on sache le véritable pourquoi mais qui rincent les cœurs maltraités. Des bleus à l’âme, des bleus d'un ciel lumineux qui renaissent après les bleus gris des amours contrariés. Un bleu ensorcelant comme peut l’être la mélancolie, la tristesse dans lequel on semble se complaire, nager, se perdre. Un bleu solitaire, un bleu « bleuets ».


« 13 - Il ne nous est pas donné de choisir qui on aime, ai-je envie de dire. Nous n'avons pas le choix, voilà tout. »


Comment vous parler de cette lecture, vous faire vibrer, enrager, se dire que les mots lus ne sont pas vains même si ils semblent capituler une vie, même si la poésie qui se dégage nous mène, on ne sait où.


« 32 - Quand je parle d' « espoir », il ne s'agit pas d'espérer quelque chose en particulier. Mais simplement de penser que ça vaut la peine de garder les yeux ouverts. »


Que dire ? Que dire lorsqu’on vient à noter dans son carnet des phrases, fragments épars d’une rupture amoureuse, d’une vie qui oscille entre le balancement et la fatalité, entre la philosophie et l’art, entre le sexe et l’amour. Comment mêler les mots à ceux de Maggie Nelson, à la philosophie, à l’art, ce qui donnent matière, création, ce qui relèvent, affaissent, prennent au cœur et à l’âme, donnent cette infinie sensation de se retrouver dans un bouillonnement propre aux bleus du cœur.


« 65 –J’aime les bleus qui se remuent sans arrêt. »

« 8 - Ça ne m’intéresse pas, la nostalgie d’un monde que j’habite déjà. »


Jackson Pollock


Il est impossible de parler de ce bijou bleu nuit, bleu blues. La lecture devient égoïste, intime et intimiste, sensorielle. On ne sait par quel bout commencer, par quelle phrase trouvait un chemin. On sillonne se laissant capturer, captiver par ce besoin de consolation, cette expérience improbable, insaisissable, parabole d’une vie qui s’effleure aux couleurs azuré-indigos, dans l’errance de la mélancolie-tristesse-joie profonde.


« 71 - Depuis quelques temps, j'essaye de trouver de la dignité dans mon isolement. Et ce que j'ai trouvé, c'est que c'était difficile à faire. »


Il n’est pas vain de se dire que Maggie Nelson est une poétesse brillante et à la fois exaspérante. Il n’est pas vain de se dire que ce récit, ces fragments de phrases, de pensées agissent comme des peaux mortes, des caresses consolantes que l’on s’adresse, les rayonnements d’un paradis à porté de mains. On pioche dans les mots, les fragments, comme on rassemble les pièces d’un puzzle, reconstituant un cheminement, une idée, un bestiaire alphabétique où l’amour, les craintes, les errances se dissolvent au gré des chagrins et des émotions, des pleurs et des pensées. On tombe amoureux d’une couleur, de sa pigmentation, de ses nuances et subtilités. On se casse les dents parce qu’on ne sait comment réagir, se laisser prendre, les émotions jouant au bleu-blues, balance improbable de nos sentiments, espérance, désespoirs. On entrecroise la poésie consolante, la fulgurante des mots, la force et la beauté de la mélancolie, celle qui permet justement d’entrevoir la lumière, la clarté.


« 75 - J'ai surtout l'impression de me transformer en servante de la tristesse. Je continue de chercher de la beauté là-dedans. »


Et malgré tout, malgré cette impermanence des sentiments et des émotions, on ressort de cette lecture comme aimée, recueillie, écoutée, comprise. Comme si on avait à son tour déposée au pied de cette couleur, nos peines, celles de notre âme mélancolique caressant du bout des doigts les jours de bleu-bleuets.


Bleuets où l‘antidote, le remède outremer à la mélancolie, ce besoin de consolation impossible à rassasier, fragments d'un discours amoureux.


« 111 - L’œil n'est qu'un capteur, qu'on le veuille ou non. On pourrait peut être dire la même chose du cœur. » « 229 – Je rédige ceci à l’encre bleue, de manière à me souvenir que tous les mots, et non pas juste certains, sont écrits sur l’eau. »


Bleuets

Maggie Nelson

Editions du sous-sol

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