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Photo du rédacteurSabine

Madeline Roth - Lettre à



La librairie est déserte. Je range des livres et il y a le son de mes talons sur le parquet. C'est un son qui me rassure. Pendant des années, je n'en ai pas porté, et maintenant, je ne m'imagine plus sans. Comme une assurance. Comme le fait d'être une femme.


Je ne t'ai jamais vraiment aimé, tu sais. A l'adolescence, je me noyais dans les eaux des piscines, dans lesquelles tu étais plus léger, moins lourd. Je déjeunais parfois de rien. Il faut être fou, pour faire des régimes à douze ans. Et puis petit à petit, parce qu'il y a eu l'amour, je t'ai accepté, je crois. Et tu as porté mon fils, neuf mois. Tu es vite redevenu le même qu'avant. Je me souviens de ce jour d'été où il faisait si chaud et où je me suis pratiquement évanouie. Allaiter mon enfant dans ces jours torrides de juillet, c'était parfois difficile.


Aujourd'hui on vit une drôle d'histoire, d'amour / haine, je crois que c'est ça. Certains jours ça va, certains jours je te déteste. Mais je vis avec toi - ai-je le choix ? J'aime tes yeux, et la couleur de tes cheveux. Le reste, c'est plus difficile. Le reste, je fais semblant de ne pas le voir. Si vieillir me fait peur ? Oui, bien sûr. Je le vois déjà, que tu as commencé à changer. Je fais avec. Chaque jour, je fais avec toi. Je te cache parfois sous des pulls amples. Je te montre parfois avec des jupes courtes. Je balance. Je me déteste sur les photos. Mais le matin, dans le miroir, parfois je me dis ça va. On va vivre encore quelques années. Je te souhaite de ne pas fléchir. Je voudrais qu'on fasse la paix. Ce serait un beau projet de vie, oui. Sous ses caresses, je t'accepte. Alors qu'elles ne cessent jamais plus.



Ces textes et photographies sont protégés par le droit d'auteur. Merci de ne pas les reproduire sans autorisation !




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