Lettre à l'enfant
Aujourd'hui c'est dimanche et il fait gris depuis ce matin, je crois même qu'il a plu dans la nuit, un peu. Il n'y a aucune lumière. L'hiver dans le salon. Ton grand frère fait ses devoirs dans sa chambre. Si tu avais été là, on serait quand même sortis, peut-être au parc en bas de chez moi ? Peut-être avec ton vélo ? On aurait empilé des tas de livres sur le lit et je te les aurais lus, un par un. On aurait goûté, Alma nous a dit qu'ils faisaient des gaufres cet après-midi, la chance. Sur une ardoise, tu aurais voulu écrire ton prénom. Je t'aurais montré, les lettres. Lentement. Toi qui as si envie de savoir lire. Tu serais allé embêter ton frère, un peu. Il aurait arrêté ses devoirs pour jouer un peu avec toi. Un peu seulement. Une partie de sept familles. Ou un Qui est-ce. J'aurais entendu vos rires à travers les murs. J'ai commencé à rêver de toi dès qu'il est né. J'en voulais un autre, presque tout de suite. J'avais passé neuf mois merveilleux. Je voulais resigner à nouveau. Et puis la vie en a décidé autrement. C'est ce qu'elle fait, la vie, parfois. Cela fait treize ans que je regrette. C'est long, treize ans. J'ai passé des années à rêver d'un autre enfant. C'est quelque chose qui n'arrivera pas. Il faut vivre avec ça. Il faut vivre avec "j'ai un enfant", quand j'en voulais trois. Mais j'en ai un. Et je l'aime solidement. Et je l'aime solidement d'amour. C'est dimanche. Il manque des rires d'enfant et des gaufres. Mais j'entends le bruit du clavier dans la chambre à côté. Je devrais peut-être lui dire, on joue ? On a tellement joué. La fin de la journée passerait comme ça.
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