top of page
  • Photo du rédacteurSabine

Lucie Taïeb - Les échappées


« Tout récit conserve les traces d’un récit alternatif souterrain, il faut s’y faire, et on ne saura jamais absolument démêler ce qui a eu lieu de ce qui pourrait avoir eu lieu. »

J’ai lu Les échappées de Lucie Taïeb comme on lit un livre en secret, comme on découvre des mots qui poussent à tourner les pages, avide de comprendre, de ne pas se contenter d’une facilité, d’un roman commun. J’ai tournée les pages et me suis enfoncée dans ce monde étrange, dans ce marais marécageux aux abords d’une voie ferrée désaffectée, où les corps d’enfants ne reviennent pas à la surface de l’eau pour prouver une existence fantomatique, où d’autres, adultes, hommes, femmes, tombent sur le sol, fatigués, épuisés, abasourdis par ce monde qui ne tourne plus rond, un monde policier sous un visage démocratique, lisse, bienveillant, où la peur est la première terreur employée par l’ennemi venant de l’intérieur. J’ai pénétré à la lisière de la vie, au contour d’un univers où le seul moyen de vivre est de résister sans bruit mais résister, avec la douceur comme arme, la générosité comme possibilité, l’humanité comme seule alternative.


On ne pénètre pas facilement dans l’univers de « Les échappées » mais dès les premiers mots, nous comprenons rapidement que nous n’en sortirons pas indemne. La poésie captivante, l’écriture étrange nous entraîne dans une suite déroutante, une histoire où la colère, la résistance à un monde côtoie la beau, la douceur, la poésie, le silence, les transitions saisonnières et secrètes. La puissance surgit, monte crescendo, nous embarque dans un univers où le présent côtoie le futur pas si futur que cela, où la bête humaine détruit l’homme, où une voix poétique céleste, Stern, s’élève d’un petit objet transistor délivré de mains en mains, sous le manteau, dangereuse arme secrète qui délivre le monde de son inhumanité.


Il ne faut chercher à suivre un fil littéraire, se raccrocher à nos habitudes, se conforter dans ce qu’il nous est donné à lire au quotidien. Au contraire. Les Echappées nous échappe, nous entraîne loin de nos repères, dans la puissance de l’écriture magnétique, onirique, dans une langue où résister devient l’étendard, le leitmotiv, la seule limite à dépasser, entretenir. Lucie Taïeb entretient l’étrangeté, nous embrume, noie, nous embarque dans ces croyances d’un monde possible, vertigineux, rare. On frôle Vivaldi et ses quatre saisons, Ray Charles et son blues Georgia, hymne à la désobéissance. On entre de plein pied dans la poésie, la cruauté d’un monde, la destruction de l’homme par l’homme, l’appel au combat sans arme mais par la seule force de l’humain et son humanité, la douceur et tendresse, l’émancipation d’un univers imposé.


« Le problème des corps, c’est qu’une fois noyés, ils remontent ».


Les échappées de Lucie Taïeb fait parti de cet univers, celui qui rend le monde différent, vivant, réveille par leur forme poétique, leur langage imagé, codé, leur frontière avec ce qui ne se donne pas facilement, bousculant, questionnant, résonnant, frôlant une liberté avec ce qui est commun. Quelque chose de sourd, une mélodie qui se déploie, prend à la gorge et devient un hymne à la vie, à la beauté, à l’humanité, à l'invention d'un autre monde. Un hymne écrit qui finit par nous faire oublier « tous les tourments du monde ».


Fort, pénétrant, fou.


Un second roman aux pouvoirs rares, parcours initiatique, conte mythologique moderne où les monstres ressemblent à l'Hydre, au Minotaure d'un labyrinthe contemporain, où une voix céleste s'élève contre la défiance du monde, des promesses des ogres déguisés. « Georgia oh my mind ».


« Le pouvoir est vacant et chacun veillera, désormais, à ce qu’il le reste. »


Les échappées

Lucie Taïeb

Les Editions de l’Ogre




50 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page