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  • Photo du rédacteurSabine

Louise Chennevièvre - Mausolée

Dernière mise à jour : 23 sept. 2021




« ... je n'ai pas compris tout d'abord, et il m'a fallu du temps, ça a peut-être commencé cette nuit là où tu es parti, que je t'aimais, que j'avais commencé à t'aimer déjà tout de suite. Oui je crois que c'était arrivé tout de suite, je crois que c'est toujours comme ça, je ne crois pas que ça se construise doucement, petit à petit, dans le fil des jours, des étapes que l'on passe, des attentes que l'on remplit, tout de suite et après peu importe ce qui vient, ce qui ne vient pas, les troubles et les doutes. Je crois qu'on ne décide pas ces choses-là, je crois simplement qu'elles arrivent sans qu'on comprenne d'où, ni pourquoi. »

Un mausolée, une sépulture, c’est tout ce qui restera de l’amour, de ce jour où il est parti, tournant le dos, regardant déjà là où le regard ne porte pas, plus. Un tombeau à cet amour, à l’amour qui, un soir, s’est réveillé, resserré autour du désir que les corps frôlés, le va-et vient d’émotions, des regards, l’aimant déjà, sans rien dire, juste l’instant, la sensation que tout était déjà écrit, tout était dans le miracle, l’événement, la sensation, dans les plis des futurs petits matins près de son corps, des corps encore attachés, liés à la nuit. Que reste-t-il des souvenirs, des jeux de mains, du feu fragile et dévorant qui lie, dévore. Son corps, ses yeux, son regard sur le sien, sur ses yeux, ses lèvres. Que sont-ils, où sont-ils maintenant qu’il est loin, qu’il a refermé doucement la porte dans la nuit, « une nuit trop épaisse pour y être seule. ». Elle ne pleure pas, elle ne pleure plus. Les souvenirs se sont incrustés comme dans les albums photos feuilletés les jours où la mélancolie, la nostalgie s’invitent un peu trop près.


Mausolée, une sépulture, un lieu où tout est partout, où l’amour est partout, l’amour repose comme repose sa dernière heure, son dernier souffle, son instant de gloire et de jouissance. Mausolée. La brèche, la rupture, le temps qui fait et ne fait rien, prolonge seulement le va-et vient des corps, du feu, de la jouissance, des paroles et brulures, des gestes. La douleur, le manque, l'absence. Et l’irréparable.


« Mausolée. Tu as ramassé sur le sol les feuilles par nos corps éparpillés. »

Comme une fouille, un espace où tout se termine et rien ne peut encore se construire, se reconstruire, devenir, Louise Chennevière procède par strate, analyse ce temps de la rupture, du deuil de l’amour, de la passion, tension physique, corporelle, la justesse. L’écriture comme seul maintient, cap, garde-fou à l’envahissement, au silence, au sentiment de perte, de perdition, d’écueil. Ecrire la rupture, réparer l’oubli, courir après les souvenirs, après celui qui manque, qui n’est pas là. Ecrire une lettre d’amour qui pourrait suffire à masquer les manques et les silences, les vides et trop pleins mais qui n’est qu’un subterfuge. Ecrire pour soigner, réparer, consoler le manque, l’abandon. Etreindre les sentiments, raviver la flamme qui pourrait s‘éteindre. Se révolter, crier sa colère, sa rage, expulser la violence.


Tout passe et tout reste. L’amour se répète. Entre le pas de côté et la vie. Contre le temps et l’oubli. Une lettre d’amour de terre et cendres, de cendres et feu, contre l’oubli, le temps. L’amour et les souvenirs qui restent et deviennent. Ecrire l’histoire pour ne pas oublier, l’oublier, s’oublier pour exister. Se libérer. Trouver sa voie. Sa voix. Le désir.


« Il y avait le livre à finir, que j’avais trop négligé, et je me remettais à travailler. Et ce n’était pas toi qui me manquais, mais ce que j’avais pour toi éprouvé, l’intensité de cette passion au regard de laquelle tout attachement me semblait triste et morne, et l’ardeur de ce désir. […] Il m’ fallu encore te sentir en moi, et qu’encore tu te retires, pour que je comprenne, que je ne le retrouverai, jamais nulle part ailleurs – le désir de toi.»


Mausolée

Louise Chennevière

POL

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