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Lisa Balavoine - Ceux qui s'aiment se laissent partir




Chère Lisa,


Certains mots sont indociles, intranquilles, sonores, silencieux. Ils laissent en nous cette trainée de souvenirs que nous tentons à tout jamais d’oublier, fuir, enterrer, des fantômes, ces êtres qui errent entre la mémoire de l’enfance et celle de l’adulte qu’on est, né. Hait. Ils ne feront pas revenir ceux qu’on a aimé, ceux qui ont été là, ceux qu’on aime à tout jamais et qui pourtant creusent des failles, des fissures sur lesquelles il faut apprendre à marcher, aimer, devenir, être. Devenir des tortues constituées d’une carapace, d’un passé, d’une vie avec ses victoires et ses chutes.


Lisa,


Je ne raconterai pas ton livre, l'histoire, le roman lu. Je ne sais pas raconter. Je ne sais pas dire les mots lus. Je sais qu'écrire est aussi noircir une feuille et l'offrir à des lecteurs. A chacun sa lecture. A chacun ses mots. Les miens seront autres.


Il y a ce Tu. Il y a ce Je. Ce tu et ce je qui se télescopent, tentent de trouver les mots, un fil, une issue entre eux. Un Tu-Je, un Je-Tu. Un qui ne peut l’un sans l’autre, qui ne peut vivre sans l’un, sans l’autre. Le Tu d'une mère, le Je d’une fille. Les Tu-Je mère-fille, fille-mère qui devient mère à leur tour, fille après avoir été mère. La folie, l’oubli, les schémas, les miroirs du passé. Mais comment échapper aux fantômes de ce qu’on a vécu, de ce qu’on a a aimé, détesté ? Comment échapper aux fantômes de l’enfance, ne pas reproduire les mêmes peurs, les gouffres et silences, le même amour-désamour, les si maman-si, maman, si tu voyais ma vie, les ceux qui s’aiment se laissent partir, aimer. Petites tortues se cognant aux bruits sourds de nos carapaces fendues.


Restent les souvenirs, les vrais, les faux, ceux qu’on se fabrique pour oublier, ceux qu’on se créée pour aimer, les reflets, les yeux, les regrets, les je t’aime murmurés. Les je t’aime qu’on aimerait pouvoir encore dire, entendre, écouter.


Lisa,

J’ai recopié dans un carnet des pans entiers de listes écrites, des chansons, des poèmes ou des mots de ton roman, ton écriture. J’ai recopié le temps qu’il faut pour cicatriser, l’album de photos jaunies, les disques rayés, les traces qui nous disent l’amour en filigrane, l’amour manqué, l’amour donné. J’ai recopié tes mots, ton roman, ton amour. Est-ce un roman, une fiction autobiographie, un amour échappé ? Certains diront oui, d'autres non. Pour moi, il est ceux qui s'aiment se laissent partir, une intimité partagée, des listes fragmentées,, insaisissables et silencieuses, cirant l'absence et un peu moi, un peu nous tous.


Ceux qui s'aiment se laissent partir.

A fleur de peau, à fleur de mue, à fleur d’être.

A fleur d’une écriture, d'un cri dans la nuit.


Alors peut-être que certains mots ne servent à rien. Ou du moins on le croit… Peut-être que certains mots servent à aimer. Encore plus fort. Encore plus vrais. Petites tortues que nous sommes apprenant à nager.

« Peut-être qu’on en finit jamais d’essayer de vivre . »

Ceux qui se laissent aimer se laissent partir

Ceux qui se laissent partir se laissent aimer.


Ceux qui s’aiment se laissent partir

Lisa Balavoine

Gallimard

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