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Photo du rédacteurSabine

Lili Nyssen - L'effet Titanic



« On arrivait pas à le dire. Je t’aime. On tournait autour du pot. On était encore un peu ados mais est-ce ça passe après, est-ce qu’on a moins peurs quand on est grand. »

C’est quoi tomber amoureux ? Quel bruit quand ça arrive, quel temps avant de savoir ? Le chaud, le froid ? L’oscillation permanente, gravitationnelle, conflictuelle du moi et sous-moi, sur-moi, les cavalcades, les battements et les murmures? C’est quoi tomber amoureux ?


Un banc, une plage, la mer, la cabine d’un ferry, l’assise, ses jambes sur le rebord, le dos dans le vide, prêt à sauter, apeuré(e) par son propre désir. Frissons des lèvres. Peur de ne rien maitriser, de n’entendre que le cœur, chamade, battements insensés, sens contre sens et mesures chao-phoniques. Attendre lèvres, cou, mains. Embrasser, s’embrasser, brasser. Le besoin, l’envie, la certitude, le désir fort, grand, gourmand, incandescent. Feu brûlant. Attendre des jours et des nuits, corps recroquevillé, jambe sur une couette, l’autre sous un drap. Son corps. L’étreinte, souffle en alerte, l’oreiller en proie aux mains, le ventre gonflé, creusé, gonflé, creusé. Et ses doigts. Là. Soudain. Brûlants. Dévorants. Touchés.


Warning danger.


« J’ai paumé l’enfance sans avoir maquillé ce qui vient. »

Une histoire banale de désirs, de lui, elle, moi, toi, nous, vous, eux. Nous. Nous. Nous. Nous. Nous. Un amour vertige et la hauteur, l’équilibre équilibriste précaire, fragile, fourvoyant dans le désir, la quête. Les couleurs, la couleur, sa couleur. Rouge, blanc, jaune, bleu, noir. Ebranlement de la palette chromatique. Les songes, les paillettes sur la plage, au loin les vagues qui grondent, enflent, rouleaux, la marée, les flux et reflux, le sable et ses grains, de beauté ou de raisins. Les traversées.


Tomber ? Tombé(e).


Secrets et fantômes, le passé se mélange au présent, le poids plie. Slam poésie, prose poétique. Lourdeur, corps perdu, égaré, désir repoussé, retrouvé, tentative d’épuisement. L’absence, comme un poison sournois, le vertige des sens, le corps brulé, branlé, tombé. Et ne pas avoir envie d’oublier. Ne pas oublier ! Est-ce qu’on saurait le dire ? Dire le lourd dans la bouche, sans la bouche, sur sa langue, sans son corps, les mots qui grossissent dans le cœur, étouffent sous le froid des mains. Choc des collisions mentales de la poitrine qui détone, déconne.


Ne reste que les murmures et les « j’t’m ». Pas osés. Qui l’a dit le premier ? Qui a étouffé les voyelles, bouffé les a i e… ?


« Je t’aime ».

Ecrire. Ecrire les mots, les phrases, les chocs, le tombé, tomber, ployer, le corps qui gronde, appelle, s’éteint aux bruits silencieux, à l’absence, aux claquements qui brûlent, au froid qui s’infiltre. Ecrire l’air respiré irrespirable, les cris étouffés, les mains lasses, les vagues rejetées, les barques chavirées, les corps perdus. Ecrire les pertes, les chaos, l’abandon, la quête de ceux qui s‘aiment, s’aimaient, s’aimeront, se sont aimés. Même sans voyelle, même sans être le premier. Ecrire, reprendre l’histoire pour soi, redevenir soi. Réintroduire les voyelles, oublier les verbes, partir dans les sens, les sons, déployer les phrases, entendre la vibration, retrouver la phrase, les phrases.


Etre.

Ecrire.


« Je ne jetterai rien de nous, je mettrai tout dans le même tiroir, circonscrit là avec La Manche, les ciels gigantesques, les tempêtes qui mordent les digues et chavirent les barques. »


L’effet titanic

Lili Nyssen

Les Avrils


(Lu dans le cadre de la pré-sélection des 68 première fois - merci Aux Avrils pour le service presse offert)

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