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Photo du rédacteurSabine

Juliette Rousseau - Nos vies têtues



« Le fracas assourdissant du monde m’empêche de te veiller et je me rends compte qu’il s’agit peut-être là du plus grand des luxes et de la première forme de dignité : la possibilité de veiller ses mortes, d’entrer en silence avec elles, insouciantes du monde alentour. »


A toi,

Je ne sais pas comment commencer cette lettre. Peut-être te semblera-t-elle décousue, fragmentaire ou trop dans l’entièreté. Peut-être ne trouveras-tu pas les mots que tu attends, ceux que nous en avons en commun ou ceux oubliés, ceux conservés dans un creux de ton cœur. Peut-être que nos vies se sont éloignées, télescopées, retirées ou rapprochées. Dans tous les cas, nous avons fait de nos vies, des vies. Des vies sinueuses. Des vies étroites. Des vies grandes. Des vies percluses. Des vies immenses. Des vies solitaires. Des vies généreuses. De vies solaires. Des vies combattantes. Des vies tempétueuses. Des vies lutteuses. Des vies douces. Des vies aventureuses. Des vies déferlantes. Des vies bouleversantes. Des vies tenues. Des vies sensibles. Des vies vraies


Des vies

Nos vies


Je ne sais pas ce qu’elle nous réserve, ce que nous sommes. Nous. Des femmes. Des sœurs. De sang. De cœur. Nous sommes plongées dans nos nuits et nos jours, traversant nos farouches volontés d’être nous, d’habiter nos corps et nos mémoires, nos familles, nos liens hérités, transmis, nos amitiés, nos campagnes, nos villes, nos amours, nos souvenirs, nos avenirs, nos deuils, nos carcans, nos libertés, nos paysages, nos engagements, nos vies. Nous ne sommes pas identiques, ni forcément dissemblables. Nous nous aimons autant que nous nous aimons mal. Il nous exprimer la conscience aigüe du mot je t’aime, de sa vérité, de la femme qui nous fait face, la sœur de sang, la sœur de cœur. Dire je t’aime pour elle, pour nous, pour ce qu’elle est, ce que nous sommes. Pour sa vie, celle qu’elle trace, montre, dévie, casse, devient, est. Un hommage à sa beauté, à sa volonté de tenter, se rapprocher d’un possible, d’un peut-être avant que le mot ne puisse plus se franchir, se dire, se dresser, être.


Il faudrait lui rendre hommage dans les paysages traversés, les histoires, la poésie, les mots, l’écriture, la sensibilité. La sienne. Il faudrait décrire la puissance, sa puissance d’être elle. Mère ou pas, s’éloigner de la violence, des violences, celles des hommes, celles du monde, se rapprocher des territoires inviolés, tendres, vrais, naturels, doux. Il faudrait aimer celle qui tente, se plante, tombe, se relève et devient. Ne pas oublier les orties et les fossés, les mousses et les lichens, les pâturages et marécages, les marées. Il faudrait faire de nos vies, nos vérités à celles que nous sommes, à celle que tu es. Se rapprocher de nos vies, têtues, désordonnées, sensibles, aimantes, généreuses, assumées.


Et puis se plonger dans les mots, écrits par Juliette Rousseau. Pour ne pas oublier. Pour ne pas s’oublier. Pour ne pas t’oublier. Et t’aimer encore un peu, t’aimer tout court. Comme on aime une sœur. De sang. De cœur. Comme on aime une vie. Comme on l’aime.



« il n’est pas aisé de survivre à celles qu’on aime. »


Une vie Têtue

Juliette Rousseau

Cambourkis


(Lu dans le cadre de la pré-sélection des 68 première fois - merci Aux Editions Cambourakis pour le service presse offert et acheté depuis)

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